Je n'ai pas eu une journée facile. Loin de là. J'étais de mauvaise humeur après tout le monde. Je n'ai malheureusement pas encore eu le temps d'arracher les yeux à ce connard qui a brisé le coeur de Rose, donc je suis un peu sur les nerfs. Demandez à mes collègues, ils ont morflé aujourd'hui. Ils ne savent pas pourquoi je suis d'aussi mauvaise humeur, ils ne sont pas au courant que Rose est rentrée encore. Il vaut mieux qu'ils ne le sachent pas tout de suite, sinon, je sens leurs gros sabots arrivés d'ici. D'ailleurs, mon chef m'a même dit de prendre un jour de repos demain. Je ne dis pas contre, je ne dors pas super bien en ce moment. Je ne dors plus depuis que Rose est revenue en fait. Je pense à elle plus qu'avant, ces espèces de sensations bizarres sont revenus. Je ne sais pas si je dois m'en plaire ou non. D'un côté, je me dis que c'est ma meilleure amie et que c'est assez étrange comme situation, mais d'un autre côté... j'ai tellement envie de lui dire que je l'aime et que je veux la rendre heureuse, que j'en suis capable... En tous cas plus capable que l'autre abruti.

Je suis posé devant le poste de télévision, je n'ai pas la moindre idée de ce qui est en train de passer sur l'écran. J'ai le regard fixé sur le mur, et ma main, tenant une bouteille de bière, monte régulièrement jusqu'à mes lèvres pour y verser le liquide. Finalement, on frappe doucement à la porte. Ah, ma pizza. C'est pas trop tôt. Je me lève et pose la bière sur la table basse. Je fais pivoter la poignée de la porte, et ce n'est pas le livreur de pizza qui apparait. C'est Rose. J'ai bien envie de sortir un truc du genre "toi, t'es pas ma pizza", mais son regard me convainc du contraire. Elle vient d'elle même se blottir contre moi. Je passe mes bras autour d'elle et la sert fortement contre moi. « Tu sais bien que tu peux venir ici n'importe quand, Rose... » Je la regarde et dépose un baiser sur son crâne. « Aller, que dirais-tu d'une soirée gavage à l'aide de pizza, de crème glacée et d'alcool ? Hu ? Avec, en prime, des films drôles ou des dessins animés débiles - c'est toi qui vois. » Je ferme la porte d'entrée et lui sourit un peu. Je déteste la voir pleurer, j'ai vraiment horreur de ça. Je vais tout faire pour qu'elle rit ce soir. Tout. Cela fait presque cinq ans qu'on ne s'était pas vu, alors il est temps de rattraper le temps perdu. Et le meilleur moyen de le faire, c'est en rigolant ! Et elle sait que je suis doué pour la faire rire.

Je laisse Rose entrer dans l'appartement, m'entraînant avec elle jusqu'au canapé. Elle parle. Elle parle beaucoup. Ca ne me dérange pas. Ca a toujours été comme ça, elle parle et j'écoute. " Je crois que je pouvais pas rêver mieux comme soirée, Erick. Par contre, je choisis le film. On commence par la pizza ? Après la crème glacée devant le film stupide que je vais choisir ? Et de l'alcool pour arroser le tout. C'est cet appartement qui m'a foutu le cafard. Me dire que j'allais vivre ici avec Chand', et qu'au final ... Il ne reste plus rien ... Quand je pense qu'il s'est envoyé en l'air avec Ellie ..." Je n'ai rien à dire de toute façon. Et puis elle parle toujours plus quand elle ne va pas bien. Je suppose que c'est une manière de se libérer... de penser à autre chose. Je la regarde en souriant un peu. Elle est adorable. Mon sourire se ternit pourtant lorsqu'elle prononce le nom de l'abruti. Je pense bien qu'elle a l'a remarqué. Je m'assois à côté d'elle et me rapproche de son visage pour être sûr qu'elle me regarde. « Petit un, je ne veux pas entendre le nom de ce type, ok ? Sinon, je vais de suite lui tirer une balle entre les deux yeux. De toute façon, ça arrivera. Petit deux, j'ai commandé une pizza mais je crois qu'ils m'ont oublié alors je propose qu'on la fasse nous même, ça peut être drôle. Et petite trois, si l'appartement te donne le cafard, tu peux venir habiter ici, c'est pas un problème. Je ne serais jamais capable de mettre dehors, va. » Je lui souris et embrasse son front. " Bon, j'arrête de me morfondre tout de suite. On va plutôt boire un coup. On a même pas pu fêter dignement nos retrouvailles, du coup." Je souris, la brune se lève et prend ma main pour m'embarquer dans la cuisine. Elle s'adosse au comptoir et me demande ce que je peux lui servir à boire. Je passe derrière le comptoir et commence à sortir toutes les bouteilles d'alcool que je possède. « Tu as de la chance, je viens de refaire le plein d'alcool en tous genres. Vodka. Gin. Whisky. Vin. Champagne. Soho. Cognac... J'ai un peu de tout. Que souhaitez-vous jolie demoiselle ? » Je sors deux verres et un shaker, au cas où les cocktails soient de mise.

« Vodka, tequila, gin. Bref, tant qu'il y a de la grenadine et du jus d'orange, je prends tout. En plus, je sais que tu es doué pour les cocktails. Je te laisse le choix pour les cocktails, j'aime tout en général. Même les trucs à la noix de coco. Pendant ce temps, je commence à préparer la pizza ? » « Oui, chef ! » Je souris et prends le shaker pour y verser le cocktail que m'a demandé Rose. Elle me fait vraiment trop rire, elle est toute excitée par la soirée qui s'annonce. Je suis heureux de me dire que c'est grâce à moi. Je lui fais son cocktail et lui tend. « Voilà, mademoiselle. » Je me fais également un cocktail et commence à le boire alors que Rose sort les ingrédients pour faire la pizza. « Si je ne lui mets pas une balle dans le crâne, je lui casse au moins le nez, quatre côtes… et ses bijoux de famille. Je peux ça ? Oh, et si tu restes ici quelques temps, tu prends le lit, je vais pas te faire dormir sur le canapé, ça va pas. » Je la regarde pendant quelques minutes sans rien dire. « Sinon, Rosie, qu’est-ce que ça fait de rentrer à Londres après si long d’absence ? Ils étaient sympa les américains ? Ils devaient pas l’être, hein ? Parce que tu m’as pas trouvé de remplacent. » Je hausse les sourcils en signe de défi. Je prends la farine qu’on doit utiliser pour faire la pâte. J’en prends dans ma main et me tourne vers Rose. Je ne sais pas si elle a remarqué ce que je suis sur le point de faire, mais… oh, si, elle doit s’en douter. Je lâche la poignée de farine sur elle, tout sourire. « Tu sais que tu m’as manqué, Rosie… J’avais plus personne à embêter ! Faut rattraper le temps perdu, maintenant ! » Je ne mens pas, elle m’a véritablement manqué. Je n’ai pas beaucoup d’amis, à vrai dire, je pense que je n’ai personne d’autre que Rose. Je ne suis pas le genre de personne qui attire. Je suis plutôt renfermé, il n’y a que Rose qui me connait vraiment, en fait.

Je ris et passe mon bras autour du cou de Rose et embrasse sa tempe. « Je suis irremplaçable, n'est-ce pas. » Je lâche la brune et bois une gorgée de mon cocktail. « Bon, maintenant, soyons sérieux. Notre repas en dépend. Préparons la pâte. » Je hoche la tête et me mets au garde à vous avant de retrousser mes manches pour commencer à doser les ingrédients. Pendant cinq ou dix bonnes minutes, nous faisons la pâte. J'en profite pour lancer quelques fois des ingrédient sur Rose, juste pour la faire rire. J'aime vraiment son rire, et je suis toujours fier de l'avoir provoqué. Je finis mon cocktail et regarde celui de Rose. Vide aussi. « Je te laisse garnir la pizza, moi je nous refais des cocktails. Je commence à avoir soif ! » Je souris et prends son verre pour le remplir à nouveau d'un autre cocktail, un peu plus fort, mais un peu plus fruité, aussi. Je lui tends, me mettant derrière elle. « Voilà mademoiselle ! Dis-moi ce que t'en penses, c'est une invention de moi. À quoi tu nous fais cette pizza, alors ? » Je bois une gorgée de mon cocktail et pose ma tête sur l'épaule de Rose, la regardant travailler.
Je tiens bien l'alcool, normalement. Mais j'avoue que je le fais un peu exprès, de boire. Je peux me rapprocher d'elle un peu, sans que ça passe pour un moyen d'abuser d'elle ou de la draguer. De toute façon, j'ai toujours été nul pour draguer. Ce sont les filles qui viennent me draguer d'habitude. Eh puis, aussi, Rose sait que nous ne sommes qu'amis. Elle ne pense pas que je puisse l'aimer plus que comme ma meilleure amie. Pourtant. Enfin, je sais m'arrêter lorsque je pense que ça peut devenir trop.

Elle rit. Ca me fait tellement plaisir de la voir rire, enfin. Elle a pleuré tellement longtemps ces dernières semaines, et toujours j'étais impuissant. Maintenant, je réussis à la faire sourire et j'en suis vraiment comblé. Mais vraiment. Je pourrais me réveiller tous les jours avec ce sourire à côté de moi... putain, Erick, reprend toi. Non, elle ne te voit que comme un ami, arrête de rêver. C'est à cause de l'alcool, ça me fait encore plus penser à elle dans un cadre moins... amical, on va dire. « Oh oui, irremplaçable. Je crois que je pourrais aller partout dans le monde sans trouver quelqu'un comme toi. Mais, je pense que moi aussi, je suis indispensable. » Indispensable... t'as pas idée à quel point. Nous faisons la pâte à pizza, comme des enfants plus que comme de grands chefs. Finalement, je me tourne vers les bouteilles d'alcool et fait les cocktails. Une fois qu'elle l'a gouté : «  Hummmm, il est délicieux ! Celui-là je crois que tu vas devoir m'en refaire un autre après que j'ai savouré celui-ci. » Je ris et bois une autre gorgée. « Pour la pizza, simple, mais efficace. Champignons, tomates, viande hachée et beaucoup de fromage !! Tu vas adorer, tu vas voir. Et ma touche secrète ! » Je la regarde aller jusqu'au frigo et sortir du bacon. Je souris et bois une autre gorgée de mon verre. Il faut que j'aille vraiment doucement avec l'alcool. Je pourrais faire des trucs dont je ne serais pas très fier le matin... et un joli mal de tête aussi. « Je crois que je vais vraiment m'installer ici, tu me feras des cocktails sans alcool le matin, et des alcoolisés le soir. Deal ? Moi je ferais la cuisine. » Je souris et pose mon verre. « Ah oui, ça me va. Tu fais la cuisine et je te nourri aux cocktails. Et, en prime, j'ai le droit de t'embêter quand je veux ! » Je prends un paquet de gruyère râpé et attends qu'elle est fini de mettre le bacon sur la pizza. Je regarde la pizza en penchant la tête. « On a dit beaucoup de fromage, c'est ça ? » J'ouvre le paquet et le renverse tout simplement sur la pizza comme si je saupoudrais un gâteau de sucre glace. Je vide carrément le sachet, tant qu'à faire. « Enfin pas toujours, hein ? Sinon, je finirai alcoolique. » Je souris et reprends mon verre avant de boire une grande gorgée. « Ne t'en fait pas, je te tiendrais compagnie dans l'alcoolisme ! C'est pour ça que je suis là ! » Je passe mon bras autour de son cou et entrechoque nos verres avant d'en reprendre une gorgée. Je le pose à nouveau sur le plan de travail et frappe dans mes mains. C'est que faire la cuisine, ça me donne faim, en fait ! « Et si on mettait tout ça dans le four ! J'ai la dalle ! » Je sort une plaque du four et préchauffe ce dernier. Je déplace avec beaucoup d'habileté (ou pas) la pizza sur la plaque et l'enfourne. Je mets le minuteur et me tourne vers Rose, qui sirote son cocktail. « Comme, apparemment, ce soir, c'est toi la chef et je ne suis que le barman, que souhaites-tu faire en attendant que ça cuise ? »

L’alcool est là, la pizza est dans le four. Mais surtout, son rire est revenu. Je réussis enfin à lui donner un semblant de joie et peut-être de bonheur. Je n’en suis pas peu fier, je dois dire. J’ai bien savoir que j’ai cet effet là sur elle… la rendre heureuse juste en faisant l’abruti. Nous avons préparé la pizza, et j’y ai mis peut-être beaucoup de fromage, c’est ce que trouve Jaimie apparemment. « Mais demain, j'irais faire un jogging pour éliminer tout ça. » Je fronce les sourcils et secoue la tête. « Nous mais ça va pas, toi. T’as pas besoin de maigrir… t’es parfaite comme tu es. » Je souris jusqu’à ce que je me rende compte que je venais de faire un compliment qui peut porter à confusion. Oh, et puis merde. Je suis presque bourré. Et puis, bon. C’est vrai, elle est parfaite. Elle me fait revenir de mes esprits en disant qu’on finirait alcoolique tous les deux, puis je me reprends et mets la pizza au four. Non sans mal. Une fois que le minuteur est en route, je lui demande ce qu’elle souhaite faire en attendant que ça commence. Elle me propose de choisir un film : « On a qu'à aller choisir le film. Ensuite, tu nous prépareras de nouveau un de ces magnifiques breuvages magiques et on pourra manger tranquillement devant le film. Ca te va ? » Je hoche la tête mais n’ait pas le temps de répliquer qu’elle vient s’accrocher à moi. Je pose mes mains sur ses hanches, le temps qu’elle retrouve sa balance ; et redevient sérieux un moment. J’ai toujours peur pour elle, je n’arrive pas à faire autrement. « Ouhla, ton cocktail est terriblement efficace. Tu ne serais pas Erick que je pourrais croire que tu as comme projet de me laisser ivre morte ce soir. » Je souris et la regarde quelques secondes pour être sûr qu’elle va vraiment bien. Je dépose un baiser sur son front avant d’ajouter : « Ne t’inquiète pas, je veille sur toi. Je suis ton ange gardien, non ? Ou superhéros, c’est bien aussi… plus masculin. » Je souris et elle m’attrape par le bras pour m’embarquer dans le salon. « Allez, un film bien stupide ! Tu as une idée ? » Je me laisse tomber dans le canapé. La première réponse qui me vient à l’esprit à sa question ce serait Very Bad Trip mais je n’ai pas le temps de répondre qu’elle propose autre chose : « A moins qu'on ne regarde une comédie romantique, pleine d'amour et de douceur. » Je fais une grimace. Elle sait que je déteste ça. Vraiment. C’est mou, c’est niais. Ca me donne des boutons. Enfin, elle sait aussi que pour elle, je le regarderais. Plusieurs fois, même. D’ailleurs, je l’accompagnais souvent au cinéma pour les voir. Je me penche en avant et pose mes coudes sur mes genoux et la regarde. « T’es sûre que tu veux voir un film d’amour ? C’est déprimant, tu sais… Je ne crois pas que ce soit une très bonne idée après les derniers évènements. J’opte plutôt pour un truc très, très con… ou un film d’horreur. » Je lui lance un grand sourire innocent. Je sais que je ne gagnerais surement pas sur ce coup-là. De toute façon, je ne gagne jamais avec elle. Mais ce n’est pas grave.

Un slip violet, non merci. La cape, je ne suis pas contre. Quel enfant n’a jamais utilisé une couverture comme cape, franchement ? Je sais que je l’ai fait pendant plusieurs années. Pour le plus grand bonheur de mes parents, j’essayais de voler de meuble en meuble. Enfin, bref. Une fois affalé dans le canapé, je regarde Rose en essayant de la convaincre que le film d’amour, ce n’est pas une bonne idée. Mais je vais perdre, c’est sûr. Je perds tout le temps avec elle. Heureusement que c’est une fille honnête. Je n’imagine même pas devoir l’interroger, comme dans mon job… je crois que j’avouerais à sa place. Je suis vraiment un abruti, en fait. Quand il s’agit d’elle. « Ah non, non. Un film d'amour. Tu sais très bien que les films d'horreur m'effraient. Je suis obligée de me cacher la moitié du temps derrière toi. » Je fais une petite moue triste mais rapidement son regard se transforme en celui qui me fait fondre le plus. Encore plus que lorsqu’elle est juste… elle. Parfois, je me fais peur, je l’avoue. Après quelques minutes à essayer de formuler un argument contre la comédie romantique, je me rends à l’évidence que je suis coincé. Je me lève et m’approche d’elle, pointant un doigt accusateur vers elle. « Tu as gagné, on regarde une de ces niaiseries. Mais je te préviens, je ne veux pas te voir pleurer. Je préfère que tu sois effrayée qu’en pleurs. Au moins, quand tu as peur, je peux te réconforter. Je me sens trop impuissant quand tu pleures devant un film… je ne peux pas aller casser la gueule aux acteurs. » Je souris et lui fais un clin d’œil avant de me tourner vers la cuisine. « Vas-y, Rose. Choisis, je nous prépare de nouveaux cocktails en attendant ! » Je passe derrière le comptoir et rempli nos verres avec le même cocktail que j’ai fait précédemment, je me souviens bien qu’elle m’avait demandé pour en avoir un autre verre lorsqu’elle avait goûté. Une fois les deux verres remplis, je les emmène dans le salon les déposant sur la table basse. J’en ai aussi profité pour apporter un énorme paquet de chips. Je m’assois sur le canapé, et tend les bras vers Rose. Je sais qu’elle aime bien que je lui fasse des câlins quand on regarde un film qui est possiblement déprimant pour elle. Je ne sais pas encore ce qu’elle a choisi, mais vu ce qu’a fait l’autre abruti, je pense que même un truc bateau la ferait fondre en larmes. « Je te préviens, Rosie, je ne veux pas te voir pleurer… hein. Sinon, je te mitraille de chatouille jusqu’à ce que tu me supplies d’arrêter. » Je lui lance un sourire innocent. Je suis doué pour le chantage.

Rose dans mes bras, je bois une gorgée de mon cocktail pendant que le générique de début du film défile. Je suis dans un rêve, là. Ce n’est pas la première fois que nous faisons une soirée dans ce genre, que nous finissons à moitié bourrés, dans un câlin, devant un film… mais plus ça va, et plus je tombe pour Rose. Elle me promet de ne pas pleurer ; elle a intérêt ! « Crazy stupide love. Amusant et pas déprimant pour un sou. Tu vas adorer. Et l'acteur principal est trop mignon. Un grand blond, comme toi. » Je ne réponds pas, elle pose sa tête sur mon torse. Tout ce que j’espère, maintenant, c’est qu’elle n’entende pas mon cœur danser le cha-cha-cha dans ma cage thoracique. Ca serait vraiment mal venu. Je pourrais me déclarer à elle, j’ai déjà essayé avant qu’elle ne parte pour les USA, mais je n’avais pas réussi. Alors, aujourd’hui, je pourrais. Je suis seul, elle est seule… mais je ne peux pas. Elle vient d’être trompée par son fiancé… je ne peux pas me permettre de lui dire que je l’aime. « On est bien là, hein ? Comme quoi, on a pas besoin de grand chose pour être heureux. De l'alcool, une pizza au four, un film romantique et un blond adorable. » Ok, elle cherche à me rendre cinglé, il n’y a pas d’autre solution. Je souris et la serre un peu plus contre moi pour embrasser son front. « Oui… pas besoin de grand-chose… » Je me reconcentre sur l’écran pour éviter de penser à Rose… et puis essayer de calmer mon cœur qui fait des bonds de fou dans ma poitrine. « Tu as pas le droit de jouer sur ça, c'est pas juste. Mais, tu verras, le film est drôle. Un peu triste par moment, mais j'adore. Je suis sûre que je ne pleurerai pas. Ou juste quelques larmes de temps en temps, mais tu ne les remarqueras même pas. Allez, une petite gorgée pour la route avant de pouvoir déguster ma savoureuse pizza 4 étoiles. » Je prends mon verre et l’entrechoque avec le sien. « Cheers ! » Je regarde l’écran et voit le mec dont elle parlait. Le blond qui est mignon comme moi, là. « Eh, mais t’as raison, j’lui ressemble quand même pas mal… même le caractère, presque. »

Le film passe sur l’écran de la télévision pendant que nous sommes avachis dans le canapé, dans les bras l’un de l’autre, l’alcool dans une main, les chips dans l’autre. Une soirée comme ils avaient tellement l’habitude avant que Jaimie ne parte pour les USA. Alors que l’acteur dont Rose m’avait parlé apparaît à l’écran, je remarque qu’on n’a pas tant de différences que ça. Que ce soit physiquement ou dans le caractère. Après tout, je suis autant musclé que lui, et je ramenais autant de filles que lui (oui, avant que Rose ne revienne, quoi)… je drague juste différemment. En fait, non, je ne drague pas. C’est pire, ce sont les femmes qui viennent me draguer. J’ai toujours été un piètre dragueur. Il suffit de demander à Rose, elle m’a souvent forcé à aller flirter avec des filles quand on était au lycée… je suis presque sûr que c’était dans le but de me ridiculiser. Ca l’amusait toujours de me voir essayer de me dépêtrer du bourbier où j’avais réussi à me fourrer. Ca, rien qu’en parlant maladroitement. Je ne suis douée pour parler qu’avec Rose… sinon, je préfère l’action. C’est pas pour rien que je suis flic. En tous cas, il semble que ma déclaration sur ma ressemblance avec l’acteur fasse rire la brune, là. « Tu es fou ! Tu es loin d'être aussi dragueur que lui. Tu as vu le gars ? Il ramène des nanas différentes tous les soirs. » Je ris un petit peu, d’un air de défi. « Alors ça, t’en sais rien du tout, ma chère… T’es partie depuis quelques temps, il s’est passé des choses depuis. » Je hausse les sourcils en signe de provocation, et ris. Sa tête me fait trop rire. C’est limite si on ne vient pas de lui apprendre que j’étais gay. Ce que je ne suis pas, évidemment. J’ébouriffe ses cheveux, et il semble que ça fasse tinter quelque chose dans sa tête. « En tout cas, moi je ressemble pas à la rousse. Tu m'aimerais bien en rousse ? » Elle se met à prendre des poses et à jouer avec ses cheveux, balançant sa tête. Je souris et secoue la tête de gauche à droite avant de prendre son visage dans ses mains, et la rapproche de moi. « Arrête de bouger comme ça, tu me donnes le tournis. » Elle rit et vient de nouveau se poser contre moi. Je l’entoure de mes bras, et instinctivement, je prends sa main dans la mienne, entrelaçant nos doigts. « Et non, je ne pense pas que le roux t’irais. Tu es très belle en brune, comme ça. De toute façon, je trouve que cette actrice n’est pas jolie ; tu l’es bieeeeeeen plus qu’elle ! » Je hoche la tête avec vigueur pour approuver mon idée et souris un peu. Ce que Rose ne sait pas, c’est que j’ai un type. Un type de fille. Par sa faute. Toutes les femmes que j’ai ramené chez moi étaient brunes et yeux foncés. Les sosies de Rose. À chaque fois, mais évidemment, ça, je vais le garder pour moi. « Ahlala, ça fait du bien de te retrouver, tu le sais ça ? » Je souris et, sans que je m’en rende compte, mon pouce commence à caresser le dos de la main de Jaimie. « Tu n’as pas idée à quel point tu m’as manqué… »

Rose vient de me dire que je ne suis pas un dragueur et ne ramène pas de filles tous les soirs. Je lui rétorque qu’elle n’était pas là ces dernières années, qu’elle n’était pas au courant de tout. C’est vrai que, de toute façon, je n’ai jamais été très explicite sur ma vie amoureuse. Vie amoureuse qui est inexistante, d’ailleurs. On devrait plutôt parler de vie sexuelle qu’autre chose. « M'aurais-tu caché des choses Monsieur Anderson ? Allez, dis moi tout, tu en as trop dit maintenant » « Il n’y a rien à dire, je n’ai pas de petite amie si c’est ce que tu demandes. Et, tu as raison, je suis un très mauvais dragueur, c’est juste que j’ai une espèce d’aimant à filles. Je te jure, je peux me faire aborder par au moins une fille dès que je sors dans un bar. » C’est vrai. Il suffit que nos regards se croisent et je peux être sûr que la fille va venir me parler pour me draguer. C’est incontrôlable, malheureusement. Elle me dévisage comme si j’étais cinglé, enfin bon… elle me demande si elle serait belle en rousse et je réplique presque immédiatement que c’est une très mauvaise idée. Elle est absolument parfaite comme elle est. « Merci, c'est bon à savoir. Je n'irais pas me teindre en rousse demain. Ni en blonde, je serais horrible. Et puis, si tu m'aimes bien comme ça, ça va alors. » Oui, je l’aime bien comme ça. Voir même pire que ça. Je l’aime comme ça. Comme une folle, riant, disant connerie sur connerie. Je l’aime quand elle est totalement impossible à sortir parce qu’elle fait trop de choses honteuses. Je souris en y pensant pendant qu’elle me dit que ça fait du bien de se retrouver. Je lâche le fait qu’elle m’a vraiment beaucoup manqué, ce qui est totalement vrai, elle est ma seule amie. Sans m’en rendre compte, je caresse le dos de sa main avec mon pouce. Elle lève la tête et me regarde de ses grands yeux curieux. Nous sommes très – trop ? – près l’un de l’autre. Je peux sentir son souffle alcoolisé, je peux surtout sentir mon pouls et ma respiration accéléré très rapidement. « Pour de vrai ? Je t'ai manqué à ce point ? » Je hoche doucement la tête, incapable de répondre quoi que ce soit. Pour le moment, je me concentre pour ne pas l’embrasser. Je tente déjà de ne pas regarder ses lèvres. Si j’ai le malheur de baisser les yeux, je suis sûr de ne plus pouvoir me contrôler. Nous restons totalement silencieux pendant quelques instants. « Oui… » Je lâche dans un souffle totalement imperceptible. Je déglutis difficilement et mes yeux tombent sur ses lèvres, entre-ouvertes. Je n’ai qu’à avancer le visage d’à peine deux centimètres pour l’embrasser. J’avoue que c’est ce que je suis sur le point de faire quand le minuteur du four résonne. Sauvé par le gong, enfin la pizza. C’est comme si je me réveillais d’une transe, et je me redresse, lâchant Rose, je me lève. « Je vais… chercher la pizza. Tu veux que je te resserve un verre ? » Je prends les deux verres et vais dans la cuisine. Heureusement, comme c’est une cuisine ouverte, elle peut me voir et m’entendre. Je pose les verres sur le plan de travail et passe mes mains sur mon visage, essayant de me calmer. Putain, Erick, reprends-toi. Je sors la pizza du four et découpe des parts dedans avant de m’attaquer aux cocktails. Finalement, je ramène le tout sur la table basse du salon. Je ne sais plus du tout où me mettre, mais je dois me reprendre. Je m’assois à la même place que celle qui j’ai quitté, près de Rose. Après tout, elle m’a peut-être juste pris pour un dingue à rester aussi près d’elle, prêt à l’embrasser. Ca a dû bien la faire rire. Je prends une part de pizza et le fromage est encore complètement collé au reste. « Effet fromage fondu réussi ! » Je m’exclame en riant, essayant de me dépatouiller. Finalement, je réussis à prendre une bouchée. « T’es une chef, Rosie. C’est super bon ! »

« Plains-toi. Beaucoup d'hommes rêveraient de n'avoir rien à faire pour séduire une fille. Toi, tu as juste à leur faire ton sourire le plus mystérieux, et hop, ça y est, tu es sûr d'avoir un numéro. Ahlala, quelle vie difficile tu as. » Je souris et résiste à l’envie de dire que malheureusement je n’attire pas la fille que j’aimerais. Heureusement, je me tais et Rose part sur sa couleur de cheveux. Rousse. Surement pas, petite Rose. Tu restes brune.
Lorsqu’elle lève les yeux, je résiste à l’envie de l’embrasser. Je crois qu’il faut que j’arrête avec l’alcool, je me contrôle de moins en moins, là. Heureusement, le minuteur du four m’empêche de sceller nos lèvres. Je suis sûr que je l’aurais regretté. Je ne veux pas perdre ma meilleure amie, c’est vraiment trop risqué. Je ne peux pas la perdre. Je reviens donc de la cuisine avec la pizza et deux cocktails. Le dernier pour moi. Je me mets à la bière après ça. J’essaye de prendre une part de pizza mais le fromage est tout collant. « Le fromage, ça fait tout, je t'avais dit qu'il fallait en mettre une bonne dose. Ca sent trop bien. » Apparemment, ma tentative d’approche auprès de Rose ne l’a pas marqué plus que ça. Je ne sais pas si je dois être soulagée ou déçu… J’essaye de ne pas me focaliser là-dessus mais sur la pizza. Et le film. Je mange de la pizza et bois mon cocktail, ayant repassé un bras sur les épaules de Rose. « Tu aimes le film pour l'instant ? Avoue que pour une fois, tu apprécies mon choix. » Je ris et bois une gorgée de cocktail en regardant les images du film. « J’avoue, il est pas mal. Pour l’instant, il est marrant… mais ça reste une comédie romantique et je suis sûr qu’il va y avoir un moment où lui, il va se rendre compte qu’il est amoureux, et que lui, il va faire le con pour retrouver sa femme. » Je tourne la tête vers Rose et lui lance un grand sourire. Je me penche pour prendre une autre part de pizza dans laquelle je mords.

« Tu es nul, tu as tout deviné. Mais bon, j'imagine que c'était prévisible. Enfin, tu vas voir, il réserve quand même d'autres surprises, et d'autres scènes marrantes. J'adore ce film. Vraiment. » Je souris et ébouriffe ses cheveux avant de la serrer contre moi, tout en buvant mon cocktail. « Tu devrais le savoir depuis le temps, je suis devin. Je sais toujours tout. » Je lui tire la langue et reprends une part de pizza, me concentrant à nouveau sur le film. Je sens Jaimie se laisser aller contre moi, et ça me fait sourire. Elle ne le sait pas, mais ce sont ces petits moments qui font que je suis tomber peu à peu pour elle. Son rire, son regard, la proximité que nous avons toujours eu. Nous sommes des meilleurs amis. Je suis tombé pour ma meilleure amie. Je suis vraiment con, en fait.

J'étais vraiment très pris par le film - chose étonnante, j'en conviens - quand Rose dit quelque chose après avoir croquer dans sa pizza. « Je sens que je vais vite être calée. Elle est énorme !!! Mais tellement bonne. » Cela me fait limite m'étouffer avec mon cocktail. Je tousse quelques instants avant d'éclater de rire... pendant plusieurs secondes, je suis mort de rire, devant le regard interloqué de Jaimie. Je lance un regard vers elle et me calme un peu avant d'expliquer mon fou rire entrechoqué de quelques rires. « Il ne faut pas dire ce genre de choses, Rose. J'ai eu une image très perverse et inappropriée... » Je m'apprête à rire à nouveau mais le regarde la brune m'en dissuade. « Oh, ça va. Je suis un mec et j'ai bu. Fallait s'y attendre. » Je ris un peu et attire Rose contre moi, ébouriffant ses cheveux à nouveau avant de déposer un baiser sur sa joue.