« BABY YOU CAN DRIVE MY CAR, YES I’M GONNA BE A STAR… » « Jaxen, parfois tu devrais te la fermer. Et là je parle poliment. » « … BEEP BEEP, BEEP BEEP YEAH ! » Et bim, deux oreillers en pleine tronche. Les fautifs ? Mes deux frères adorés qui à l’évidence n’appréciaient pas ma douce voix et mon interprétation particulière de la chanson des Beatles. J’avais l’habitude, on se disputait souvent tous les trois, même si c’était plus gentil qu’autre chose. La famille, ça a toujours été quelque chose de primordial pour moi et le divorce de mes parents n’y a rien changé. Les liens du sang seront toujours les plus importants pour moi. En particulier avec mon jumeau et mon grand frère, les deux hommes de ma vie, si on peut dire ça. Enfin bon, pour l’instant ces deux-là s’étaient ligués contre moi pour me faire taire… et ils allaient le regretter. Les regardant avec un sourire en coin ressemblant plus à une grimace qu’autre chose, je dis calmement « Vous allez me le payer. », puis je fondis sur eux, pour une petite baston inoffensive. J’entendais déjà Jace me crier d’arrêter… toujours à faire sa chochotte celui-là.

J’ai grandi à Perth, en Australie. Le soleil, la plage, les kangourous, les koalas et tous les clichés qui s’ensuivent. Franchement, c’était pas trop mal comme pays et je m’y plaisais bien, avec tous les copains que j’avais à l’école, et puis bien sûr ma famille géniale. Sans compter le beau temps, toujours au rendez-vous qui nous permettait d’être tout le temps dehors. Que demander de plus ? Perth était un endroit parfait pour des enfants, et je dois avouer que j’y ai passé une enfance géniale, que beaucoup de monde pouvait m’envier. J’aimais me disputer avec Jace et Jayden, dire à mon jumeau qu’il n’était qu’un gros bébé qui ne savait pas se défendre, même si ça me valait les représailles de mon aîné ensuite. J’aimais faire n’importe quoi à l’école et m’attribuer les foudres des adultes. J’aimais provoquer quelques bagarres et en sortir victorieux. J’aimais défendre Jace quand il se faisait insulter. J’aimais parler de tout et n’importe quoi à Jayden sans avoir peur d’être jugé. J’aimais le fait que nos parents faisaient tout leur possible pour que l’on soit heureux.
Je me battais, on me rappelait souvent à l’ordre quand j’étais à l’école. De mes frères, j’avais toujours été celui qui faisait le plus de conneries et de ce fait, le plus extraverti des trois. Malgré le fait que l’on soit jumeaux, Jace ressemblait beaucoup plus à Jayden ; tous les deux plus calmes et tendres. Je me moquais souvent d’eux pour ça, moi qui n’avais absolument pas la même manière d’exprimer mes sentiments, et ça depuis ma petite enfance. Et puis on a tous les trois grandi, chacun à notre manière mais pourtant toujours aussi soudés. Quand les parents ont divorcé, ça ne m’a rien fait de spécial, étrangement. J’avais toujours entendu dire que c’était une expérience horrible à vivre, que les enfants étaient perdus, partagés entre leur amour pour leur père et celui pour leur mère, déchirés entre les deux. De la rigolade. J’avais beau avoir dix ans, à part quelques changements de routine, ça ne m’a pas plus bouleversé que ça. Jayden et Jace non plus. Nos parents étaient suffisamment adultes pour rester en bons termes, et l’on a toujours été proche des deux. Après tout, c’est ridicule de croire qu’on peut choisir entre son père et sa mère quand les deux ont toujours été là pour notre éducation.

La vraie douleur a été quand Jayden a déménagé à Londres. L’Angleterre, ça avait beau être le pays natal des Beatles, c'était bien, mais c'était loin. Loin de l’Australie, si isolée du reste du monde. J’avais du mal à comprendre pourquoi il s’en allait là-bas pour essayer d’oublier Lyana. Lyana. Je l’aimais bien, mais si j’avais su qu’elle aurait un jour brisé le cœur de mon frère, même de cette façon tragique, je les aurais empêchés de se fréquenter. Peut-être qu’alors Jay ne se serait pas rendu à Londres pour faire son deuil. Peut-être qu’on ne l’aurait pas rejoint, avec Jace. Peut-être qu’on ne se serait pas inscrit à l’université, et peut-être que mon jumeau ne se serait pas entiché de ce prof. Qu’il soit homo, je n’en avais absolument rien à cirer, au fond je l’avais toujours plus ou moins deviné. Mais qu’il soit tombé amoureux de lui, non franchement ça dépassait l’entendement. Le pire c’est que je voyais clair dans le jeu de cet enfoiré. Mon frère n’était qu’un jeu pour lui, un divertissement. Il se servait de lui, ça crevait les yeux, mais Jace ne voyait absolument rien… « L’amour rend aveugle » dit-on. Cette phrase n’était que trop vraie dans son cas. Le pire, c’est qu’à cause de ça, on s’engueulait. Mon taré de frère se lançait à fond dans cette relation à sens unique sans que je ne puisse rien faire, et Jayden n’arrivait pas non plus à trouver les bonnes manières de le faire revenir sur terre. Alors tous les deux aussi on s’engueulait. Pas comme d’habitude, où ça se finissait par un câlin collectif et hop on oubliait tout. Non. Des vraies engueulades, où l’on souffrait tous les trois de tous les mots que l’on se balançait à la figure.
Et moi j’en crevais de ne pas pouvoir défendre, protéger mon jumeau comme je l’avais toujours fait. Parce que cette fois-ci, il ne voulait pas d’aide et s’enfonçait dans son piège sans protester. Moi, j’ai envie qu’il nous revienne, comme avant. Je suis prêt à tout pour ça.