« Ça fait longtemps que je ne suis pas venue te voir… je suis désolée… mais ça a été un peu la folie dernièrement… ».


« Tu viens à la maison ce soir ? », lui demanda Adelaïde. Une grimace prit alors place sur le visage angélique de Samii et après avoir légèrement haussé les épaules, elle répondit un timide : « Je peux pas, je suis désolée. Je dois aller à l’école de musique, ce soir… ». Du plus loin que l’on s’en souvienne, Samantha Fletcher avait toujours été une enfant très active. Gamine, elle excellait à l’école et ne se gênait pas pour suivre avec passion les cours de musique et de danse dans lesquels ses parents l’avaient inscrits. Un esprit aiguisé dans un corps sain. Et désormais, du haut de ses vingt ans, Samantha avait gardé ce trait de caractère qui la définissait si bien. Brillante étudiante en médecine, Samii suivait avec brio les traces de son paternel. A côté de cela, elle était engagée dans divers clubs, comme celui de lecture, journal ou même l’équipe de volley ball de l’université. « Encore ? », s’étonna la troisième personne composant ce trio, presque irritée par la réponse, une fois de plus négative, de son amie. Adelaïde fréquentait Samii depuis de très longues années et leurs différences n’avaient jamais entaché leur incroyable amitié, même lorsqu'une troisième personne les avait rejoint : Matthew, plus communément appelé Matt. Les trois jeunes étaient amis depuis de très nombreuses années et étaient inséparables. « Oui, je donne deux cours par semaine,vous ne vous souvenez pas ? ». Difficile à suivre, pensa Adelaïde, mais c’était Samantha et quiconque la fréquentait savait qu’il devait faire avec son emploi du temps bien trop rempli pour une jeune femme de son âge.
Et pourtant, il y avait bien eu quelques âmes chevaleresques qui avaient tenté de la détacher de son monde bien trop organisé. Quelques garçons qui avaient sincèrement pensé qu’ils pourraient la faire tomber dans leurs filets. Mais c’était peine perdue. Et finalement, Samantha était célibataire et très heureuse comme ça. Pourquoi vouloir d’un homme dans sa vie alors qu’elle prévoyait son avenir, rendait service autour d’elle et s’occupait de son père ? Elle n’avait pas de temps pour la romance et ne comptait pas s’en octroyer.
Soupirant sans même sans cacher, les deux amis lâchèrent l’affaire sachant pertinemment que leur meilleure amie ne délaisserait pas le cours de musique qu’elle devait donner pour passer une soirée avec eux, devant un bon film à se goinfrer de popcorns.


« C’était une journée comme les autres, pourtant… Papa était au travail, Charlie, je ne sais où… et moi, je suivais ma petite routine sans broncher… et pourtant, ce jour là… il a tout changé… Tout. »


Il était dix-sept heures trente. Samii était parfaitement à l’heure. Déposant studieusement son sac dans le casier qui lui était réservé, la jeune femme parcourut alors les couloirs, pour se rendre dans sa salle de classe. Lorsque la directrice de l’école de musique qu’elle avait fréquenté toute son enfance l’avait appelé pour lui proposer un travail de professeure de piano pour un groupe de petits, Samantha n’avait pas hésité avant de dire oui. Elle n’avait pas de problèmes d’argent, bien au contraire, mais ça lui faisait une bonne expérience et toujours une ligne de plus à ajouter à son curriculum vitae pourtant déjà bien rempli. Alors, depuis deux ans, elle donnait quelques cours à un petit groupe d’enfants, leur apprenant les bases de cet instrument qu’elle chérissait tant : le piano.
Cependant, ce jour là, lorsqu’elle aperçut la directrice devant la porte de sa classe, elle sut que quelque chose n’allait pas. « Samii ! », s’esclaffa joyeusement la femme aux cheveux grisonnants. Samantha lui retourna son sourire et après une brève embrassade porta sur elle un regard interrogateur. « Je suis venue pour te prévenir d’un changement, désormais, tu ne seras plus seule à assurer ce cours ! ». Quoi ? Comment cela était-il possible ? Et pourquoi ? Samantha avait beau n’être qu’une simple amatrice de musique, elle avait tout de même un bon niveau et pouvait se vanter d’apprendre de bonnes bases aux enfants. « Mon neveux est de retours en ville et… il avait besoin d’un job, alors je lui ai proposé de venir assurer le cours avec toi ! Ne t’en fais pas, il est très gentil et est un excellent musicien ! Je suis sûre que vous ferez une bonne paire tous les deux ! ». Elle semblait si excitée que Samii ne savait véritablement quoi dire. Au fond, elle était un peu vexée qu’on lui donne un espèce d’assistant, ou du moins, qu’on semble vouloir lui donner une aide pour assurer son cours, mais elle ne semblait pas avoir le choix, alors, avec un faux sourire peint sur ses lèvres, elle assura un simple : « pas de soucis ! », qui fit grandir le sourire sur les lèvres de sa vis-à-vis. « Parfait. Je te laisse assurer ton cours alors ! … Bon, par contre Ryan n’est pas encore arrivé ! »… un retardataire en plus…


« Je l’ai détesté… sans même l’avoir vu, sans même le connaitre… Ça peut paraître puérile et stupide, mais… il me tapait déjà sur le système… Alors imagine ma tête lorsqu'il s’est pointé avec plus d’une demi-heure de retard… ».


Installé dans un coin de la grande pièce, il n’avait pas bronché. Il s’était contenté d’entrer dans la salle, le souffle court et de s’excuser de son retard d’une petite voix. Dès lors, il s’était installé sur une chaise et n’avait ouvert la bouche. Samii ne lui avait pas adressé plus d’un regard et ça n’avait pas duré plus de deux secondes. Il l’énervait. Vraiment et alors qu’elle continuait son cours, assise à même le sol, les quelques enfants installés autour d’elle, elle sentait son regard sur elle. Il l’observait et elle le savait. « Bon, il est l’heure, vos parents doivent vous attendre dans le hall ! », déclara Samantha, se relevant et ramassant quelques partitions qui traînaient par terre. Les enfants récupérèrent leurs affaires et saluèrent leur professeure avant de sortir. Samantha lissa son t-shirt et alors qu’elle pensait être seule, une voix s’éleva dans le silence. « T’es toujours comme ça ? ». C’était lui. Ce mec qu’elle ne connaissait pas, mais avec qui elle devait partager son cours. Le seul bon point était, que s’il restait aussi silencieux que durant ce cours, il ne perturberait pas ses plans. « Comme quoi ? », rétorqua-t-elle, se décidant enfin à lui accorder son attention, le regard noir et la mâchoire serrée. Elle avait l’air d’une petite bourgeoise coincée là, plantée au milieu de la pièce, ses cheveux parfaitement coiffés et ses vêtements bien accordés. Il n’y avait pas une faute de gout dans sa tenue et même si elle avait beaucoup de classe, elle était très certainement trop… lisse.
Sourire aux lèvres, l’inconnu se leva alors de sa chaise et s’avança vers la jeune femme. Il était un peu plus grand qu’elle, pas énormément, mais assez pour qu’elle se sente légèrement intimidée. Il devait avoir son âge, probablement et ses grands yeux bleus la sondaient, rieurs. Comment pouvait-il sembler si… détaché et amusé par la situation ? Il n’y avait rien de drôle et il semblait être ce genre de garçon à se foutre de tout. Ah, elle les connaissait bien les je-m’en-foutistes de service et pour cause, elle en avait une à la maison ! Sa sœur jumelle. Toujours les mains dans les poches, l’allure débraillée et ce sourire condescendant sur les lèvres. Ça lui foutait des boutons. « Je sais pas… aussi coincée et snob… », il avait sorti ça tout naturellement, se fichant bien qu’elle se vexe et lui foute une gifle. Elle se tendit un peu plus, la colère montant en elle. Pourtant, elle savait qu’il ne fallait pas qu’elle la laisse exploser, pas maintenant, alors qu’elle ne connaissait ce type que depuis une bonne heure. Samantha avait un caractère de feu, elle pouvait se révéler impitoyable, mais elle avait la présence d’esprit de savoir se contenir… « J’te demande pourquoi t’es aussi con, moi ? »… ou pas. Le jeune sembla, tout d’abord, surpris, puisqu’il ouvrit grand son regard bleuet et alors la jeune femme tourna les talons, attrapant sa veste qui traînait dans un coin de la pièce, sous le regard ahuri du jeune, un nouveau silence prit place. Surement ne s’y était-il pas attendu ? Samii était du genre à savoir se contenir, mais sans pouvoir mettre une explication dessus, ce mec l’énervait et elle n’avait pu se restreindre. Surement lui faisait-il penser à sa sœur ?


« J’suis partie, sans un mot, sans un regard et j’étais plutôt fière de moi. Je venais de me débarrasser d’un gros boulet et j’étais sûre qu’il n’allait pas revenir avant longtemps… Pourtant, le cours d’après, il est revenu. Toujours avec son sourire stupide et son silence pesant… il ne m’accorda pas un mot cette fois-ci et c’est lui qui a quitté la salle en premier… Puis, il est revenu le cours d’après et celui d’après et encore celui d’après… J’en venais à me demander ce qu’il foutait là… Sa tante le payait pour rien faire, mais c’était pas mon problème… Enfin, jusqu’au jour où… ».


« Recommence une nouvelle fois, Arthur… », encouragea la brunette, l’enfant suivant avec attention le rythme qu’elle tapait dans ses mains. C’était un cours comme les autres. Les enfants étaient plutôt sages et respectueux et l’intrus assis sur sa chaise, au fond de la salle… Enfin, jusqu’au moment où Samii sentit une présence derrière elle et une voix grave résonner. « J’pense qu’il a compris, on devrait commence le rythme ternaire… ». C’était lui. Après une bonne dizaine de cours à ne rien foutre dans son coin, il venait de se réveiller et prenait le cours en main. « Par-don ? », elle était outrée et le regard qu’elle lui lançait était si froid qu’il aurait pu glacer une flamme. Mais cela ne désemplît pas le sourire qu’affichait son nouvel ennemi.


« Il avait réussi. Il venait de me piquer mon cours et les élèves l’adoraient. J’crois que si j’avais pas été d’aussi mauvaise fois, j’aurais pu aimer son cours, mais il m’énervait. Rien était sous contrôle, je venais de me faire avoir… et tu sais à quel point je déteste perdre… »


Le cours était terminé depuis vingt bonnes minutes, les enfants avaient retrouvé leurs parents. Samantha ramassait furieusement les partitions qui traînaient par terre tandis que Ryan récupérait ses affaires. « Pas la peine de t’énerver sur ces pauvres feuilles ! ». Relevant la tête, Samii découvrit le regard rieur du jeune homme, avant de s’apercevoir, qu’effectivement, les partitions qu’elle tenait n’allaient très certainement pas faire long feu entre ses poings. Cependant, rageuse comme pas deux, la jeune femme ne répondit rien, posant le tas de feuille sur le premier bureau venu et attrapa sa veste avant de traverser la salle et passer devant son nouvel ennemi pour sortir… mais c’était son compter sur la main qui vînt empoigner son avant bras, la stoppant dans sa démarche. « Oh allez, fais pas la gueule ! ». Il semblait si détendu et amusé qu’elle ne parvenait à comprendre ce qu’il voulait vraiment. Elle l’avait eu le premier jour et désormais, il avait sa revanche. Il lui avait piqué son cours et ses élèves, elle n’allait tout de même pas fêter ça avec lui, non ? « Lâche-moi », dit-elle sèchement, mais il n’écouta pas, se rapprochant même un peu plus de la jeune femme. « Tu sais, j’t’ai observé ces dernières semaines… t’es plutôt une bonne prof, mais… t’es trop stricte… T’enseignes à des gosses, juste des gosses, s’ils sont là, c’est pour s’amuser… ». Il n’avait pas tord, mais ils n’avaient pas la même vision des choses et la brune ne tarda pas à le lui faire savoir. « C’est un cours de musique, pas un parc à jeux. Leurs parents payent une fortune pour que leurs gosses apprennent une discipline… pas pour qu’ils s’éclatent, sinon ils les auraient inscrit au centre aéré. ». Et encore une fois, elle obtint un rire de la part de son vis-à-vis. Il l’énervait, vraiment beaucoup. « Faudrait vraiment que tu songes à te détendre un peu, Fletcher… ». Elle ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel, se fichant bien de l’impolitesse de son geste, avant de dégager son bras de l’emprise du brun et d’ouvrir la porte devant elle. « Et toi faudrait vraiment que tu songes à être un peu sérieux ! ».


« Les gamins l’adoraient et mon cours qui étaient si structuré est devenu une vraie salle de jeu pour les gosses. Je n’approuvais vraiment pas, mais… au fond je crois que ça me faisait plaisir de les voir comme ça… mais j’avais bien trop de fierté pour le reconnaître… ».


Le cours était terminé depuis de longues minutes et les deux jeunes professeurs ne s’étaient pratiquement pas adressés un mot. C’était à peine s’ils se regardaient. Alors, ils traversèrent silencieusement les couloirs et une fois dans le hall, une voix s’éleva derrière eux. « EH ATTENDEZ ! ». D’un mouvement commun, ils se retournèrent, faisant face à une femme, surement la quarantaine, essoufflée de leur avoir couru après et le sourire aux lèvres. « Je suis la maman du petit Arthur… c’est bien vous ses professeurs, n’est-ce pas ? ». Le gamin était en retrait, jouant avant son sac de classe. Ryan fut le premier à répondre, sourire aux lèvres. « Oui, c’est bien nous ! ». Pourtant, Samii avait du mal à imiter sa joie. Elle la sentait mal cette conversation. Cette mère de famille venait pour les réprimander, leur dire combien son fils était dissipé dernièrement, encore plus lorsqu’il sortait de son cours de musique et tout cela était de la faute de Ryan. Elle l’avait prévenu, mais il ne l’avait pas écouté et ça les avait mené à leur perte. Sa tante allait l’apprendre et ils seraient renvoyés… Enfin, pas lui, mais elle oui et elle ne pouvait concevoir un échec, important ou non. « Et bien félicitation… Arthur n’était pas très envieux de ce cours et depuis quelques temps, je ne sais pas ce que vous avez fait, mais… il l’adore ! Il ne fait qu’en parler et compte les jours qui se passent entre chaque cours !!! ». Samantha n’en croyait pas ses oreilles. « Et je crois que c’est grâce à vous, Ryan… Mon fils vous adore, alors, merci… merci de lui avoir fait retrouvé le sourire ! ». Samii crut un instant voir une petite teinte rosée sur les joues du jeune homme, avant que ce dernier ne plaque son bras derrière les épaules de sa partenaire et la serre un peu contre lui. « C’est très gentil madame, mais vous savez, je ne suis pas seul ! Ces cours ne seraient pas aussi cool sans ma très chère partenaire, Samii ! ».


« J’étais… abasourdie… Il venait de m’inclure dans sa réussite. Après tous les regards noirs, les paroles méprisantes et ma froideur à son égard, il venait de me sauver la mise… J’crois que c’est à cet instant précis que mon regard a changé sur lui… D’un coup, son sourire ne m’était plus insupportable, son regard était plus beau et sa voix me donnait des frissons… »


« J’ai mal aux pieeeeeds ! ». Levant les yeux au ciel, la brunette se tourna une nouvelle fois, attendant patiemment sa meilleure amie qui traînait difficilement ses pieds endoloris. « On est bientôt arrivées ! », l’encouragea-t-elle, même si elle n’en était pas tout à fait certaine. Ce coin de Londres ne lui était pas familier. Les seuls sports qu’elle pratiquait était le volley ball, qu’elle faisait dans le cadre de l’université et la course à pied. Logique qu’elle ne se soit jamais rendue dans ce petit stade pour amateur. Et pourtant, c’était bien elle, accompagnée de sa meilleure amie, qui s’installait dans les tribunes vides. « Putain, on se les gèle en plus ! ». Adelaïde était une râleuse professionnelle. Parfois, elle arrivait même à râler lorsqu’elle était dans son bain, à se prélasser comme une princesse, mais ça semblait faire parti de son charme. « Il est là ! », déclara Samii, un peu trop excitée pour que sa meilleure amie ne réagisse pas, silencieusement du moins. Il était rare que Samantha craque pour un garçon et même si elle n’avait pas conscience de ses sentiments naissants, Adelaïde n’était pas stupide et elle voyait bien le changement opérer chez sa meilleure amie. « Il est canon ! ». Et pour cause, Ryan était torse nu, en pleine partie de football avec des amis à lui et le spectacle semblait assez bien pour faire cesser de papoter les deux jeunes femmes. « Ils ont arrêté de jouer, tu devrais lui parler, maintenant, après il sera trop tard ! », la pressa Ade et alors que Samantha commençait à douter, elle prit son courage à deux mains et descendit les tribunes pour se retrouver sur le bord du terrain et s’élancer vers Ryan, qui récupérait ses affaires. « Hey… », lança-t-elle, gênée. Le jeune homme parut aussi surpris qu’elle, puisque son teint pâli l’espace d’un instant… avant qu’il ne revêt son incroyable sourire et semble réellement ravi de la voir. « Yo Fletcher, qu’est-ce que tu fais là ? ». Il avait cette manie de l’appeler insoucieusement par son nom de famille. Il était le seul à faire ça et finalement, elle aimait bien. « J’voulais euh… te parler… », c’était la première fois qu’elle était si vulnérable face à lui, au point de bégayer et même de rougir. Ryan lui, restait silencieux, assistant avec amusement à ce changement d’attitude de la part de la brunette. « C’est ta tante qui m’a dit que t’aimais bien venir ici avec tes potes alors… j’me suis dit que si j’voulais pouvoir te parler, le meilleur moyen c’était de venir et… bref… », elle s’embrouillait complètement et jamais elle ne s’était sentie aussi bête. « J’voulais m’excuser et… te remercier… ». Le jeune homme en fut si surpris qu’il en avait définitivement perdu tous ses mots. Elle, cette fille qui était si froide venait s’excuser. Elle mettait sa fierté de côté pour la toute première fois. « M’excuser d’avoir été une totale connasse avec toi, », commença-t-elle, un sourire nerveux sortant d’entre ses lèvres. « Et te remercier pour… pour ce que tu as dit à la mère d’Arthur… l’autre jour… ». Elle rougissait. Elle le savait, elle sentait ses joues prendre feu. Il était rare qu’elle rougisse et pourtant, elle devait être rouge tomate à cet instant. Ryan se mit alors à rire et après un léger haussement d’épaule, ouvrit la bouche. « Tu fais un truc ce soir ? ». Elle fronça les sourcils, ne comprenant pas ce changement soudain de conversation. « euh… non », à peine avait-elle fini sa phrase qu’il reprenait : « Bah maintenant t’as un truc de prévu ! ».


« Jamais de ma vie je n’ai rencontré de mec comme lui… Pourtant, je pensais tout savoir sur ce mec avant même d’apprendre à le connaitre… J’étais si stupide ! Ce soir là, on est allés manger dans une pizzeria. Celle de son père et de sa belle-mère. Des gens adorables. Avec peu de revenus, mais… si tu savais comme ils sont gentils… Ils me rappellent un peu toi… Toujours le mot pour rire et cette douceur extrême dans le regard. J’crois que j’y ai passé l’une des meilleures soirées de ma vie… ».


« Sympa l‘immeuble ! ». Il avait insisté pour la raccompagner chez elle. Alors, ils avaient traversé les rues sombres de la capitale, dans le silence, mais le sourire aux lèvres. Rien ne servait de parler, ils étaient bien. Leur marche s’était terminée en bas de l’immeuble où vivaient les Fletcher, dans un des quartiers friqués de la capitale anglaise. « T’habites à quel étage ? ». Levant les yeux et désignant du bout du doigt, Samii lui répondit : « Au dernier… Y a une énorme terrasse et on a une super vue sur le London Eye ! ». Ils restèrent silencieux observant tous deux le ciel au-dessus de leur tête. Il n’y avait pas beaucoup de nuage et le ciel était bien dégagé, les étoiles étaient nombreuses et merveilleuses. « Y a pas l’air d’avoir grand monde chez toi… », déclara alors le jeune homme, brisant le silence qui avait prit place. Et effectivement, les lumières étaient toutes éteintes chez elle, signifiant que son père et sa sœur n’étaient pas là. « Tu veux monter ? ».


« Je ne sais pas vraiment pourquoi je lui ai proposé ça. Mais j’en avais terriblement envie. Il a accepté. En rentrant, j’ai lu la note de papa m’indiquant qu’il travaillerait toute la nuit. Charlie n’allait pas rentrer avant l’aurore, si elle rentrait, du moins… et… c’était juste lui et moi… »


Installés sur la terrasse, une couverture les protégeant du froid de la nuit Londonienne, Samantha était blottie dans les bras du jeune homme. Ils étaient bien là, dans leur bulle. Le London Eye était face à eux, illuminé de mille et unes  lumières, c’était magique. Sentant du mouvement à côté d’elle, Samii releva le visage du torse du jeune homme, observant ce dernier qui la fixait. Elle lui lança un petit sourire, l’incompréhension se lisant tout de même sur son visage. Pourquoi la fixait-il comme ça ? Elle avait un truc sur la tronche ou quoi ? « T’es incroyable Fletcher, tu le sais ça ? ». Elle ne comprenait pas. Était-une bonne chose ? Ce qu’elle savait, c’est qu’avec lui, elle avait été incroyablement conne, jusque à présent… C’est tout. « Quo/ », pas le temps de finir qu’il avait plaqué sa main droite dans la nuque de la jeune femme et ses lèvres s’étaient brusquement posées sur les siennes. C’était un baiser doux et timide… qui devint rapidement plus envieux, dès lors que la jeune femme y répondit avec ferveur…


« On a passé la nuit ensemble… Ce n’était pas ma première fois, ni la sienne apparemment… je n’ai pas énormément d’expérience dans le domaine, mais… c’était bien… vraiment bien… mieux que tout ce que j’ai connu jusqu’à présent… et j’crois que c’est là que j’ai compris que j’étais en train de tomber amoureuse… »


Le cours était terminé et comme à chaque fois, elle rangeait silencieusement les partitions et autres papiers qui traînaient dans la salle. Cependant, cette fois-ci, elle sentit deux bras l’entourer et une présence incroyablement chaleureuse se coller à son dos. « Tu sais que t’es sexy quand tu fais semblant de pas capter les regards que j’te lance ? », lui souffla-t-il dans le creux de l’oreille. La jeune femme pouffa de rire, posant rapidement sa main sur sa bouche. Elle avait l’impression d’avoir quinze ans et d’expérimenter sa première relation amoureuse. Elle se sentait stupide, mais incroyablement vivante. « Tu voulais que je fasse quoi, il y avait les gosses ! ». Elle le sentit sourire contre la peau de son cou et alors qu’il y parsemait quelques tendres baisers, elle sentit ses mains se contracter un peu plus contre son ventre. « Tu fais quoi ce soir ? ». Elle se mordit la lèvre, tentant de refréner ce sourire niais qui prenait place sur ses lèvres… mais c’était peine perdue. « Rien, pourquoi ? ». « Un film, chez moi, ça te dit ? ». Pas le temps de répondre qu’une musique les coupa, les forçant à se détacher l’un de l’autre. Ryan fouilla dans la poche de son jean et en ressorti son téléphone portable. « C’est mon père, j’dois le prendre ! », il lui lança un regard d’excuses et sortit de la pièce, laissant la jeune femme seule… mais plus pour bien longtemps : « euh… excusez-moi, c’est bien ici que Ryan donne des cours de musique ? ». C’était une jeune femme, brune, incroyablement belle. Elle devait être mannequin pour une marque de lingerie vu son corps de rêve et immédiatement, Samii se sentit incroyablement laide en comparaison ! « Euh oui… pourquoi ? ». Après un sourire, la jeune femme s’avança vers la brunette et lui tendit un t-shirt. « C’est à lui, il l’a oublié chez moi, vous pourrez le lui rendre, s’il vous plaît ? ». Et sans un mot de plus, la beauté tourna les talons et disparu de la pièce. Samii n’en croyait pas ses yeux. Ryan et cette… fille ? Non, ce n’était pas possible, il n’était pas comme ça ? … Pourquoi pas ? La raisonna sa conscience. Elle ne le connaissait pas si bien que ça finalement et alors qu’elle était toujours aussi troublée, le jeune homme réapparu et elle eu juste le temps de cacher le t-shirt derrière son dos, sans vraiment comprendre son geste, qu'il s'adressait déjà à elle : « Tu viens, Fletch’ ? ». Après avoir difficilement avalé sa salive, la brunette répondit : « euh… finalement je peux pas ce soir… j’ai euh… j’viens de recevoir un message d’Ade et Matt… ils veulent qu’on passe la soirée ensemble et vu que je les ai pas vu depuis longtemps… ». Elle mentait, mais elle avait besoin de mettre de l’ordre dans ses pensées et après un sourire un peu triste, Ryan répondit un simple : « oh… okay, passe une bonne soirée alors, ma belle ! ».


« J’suis stupide… Complètement stupide d’avoir pu croire qu’un mec comme lui pouvait s’intéresser à une fille comme moi… Ça devait le faire bien triper de briser la carapace de la meuf rigide ! Pff… j’suis trop conne ! Bien sûr qu’il s’est tapé l’autre bombe atomique !! »

« Mademoiselle ? », intervînt une infirmière. « Il est tard, vous devriez partir… »

« Oh oui, désolée ! », elle attrapa sa veste, se releva de son siège et posa un baiser sur le front de l’endormie. « Tu me manques maman… Dix ans c’est long, tu sais… Papa dit que finiras par te réveiller, mais… j’suis un peu plus pessimiste que lui… Donc si tu m’entends, donne-moi tord et reviens… ».