♫ CHAPTER ONE
Le lundi était un jour typique dans la famille Duarte, généralement. A huit heure, la maisonnée se réveillait tranquillement quand Mariña commençait tout juste à passer l'aspirateur. Sa fille se réveillera la première, alors que Juan, la figure paternelle, restera au lit encore quelques heures. Le petit déjeuner se passera dans la tendresse d'une matinée parfaite, au sein d'une famille typiquement ispannique et heureuse. Suivra cet instant partagé quelques heures de parfaite sérénité avant que Juan quitte la maison pour partir travailler sur un chantier. Esperanza sera ensuite conduite à son cours de solfège par sa mère. En fin d'après-midi, les deux femmes de la famille Duarte rentreront tranquillement à la maison en faisant une halte au supermarché pour faire les courses de la semaine. Juan rejoindra sa famille quelques heures plus tard, d'excellente humeur mais épuisé. Une douche, et toute la maisonnée partagera un souper sympathique où plaisanteries taquines et bonne humeur seront maître mots. Plus tard, Esperanza ira se coucher, bien avant ses parents, qui resteront éveillés quelques heures encore, devant la télévision à se câliner un peu. Oui, le lundi avait toujours été un jour typique dans cette famille, jusqu'à ce terrible lundi...

« Pourquoi il reste au lit Papa, ce matin ? » « Il est fatiguée ma chérie, tu sais. » Pour Esperanza, il était clair que quelque chose ne jouait pas. Elle n'était pas duppe, du haut de ses neufs ans. Elle avait beau ne pas avoir cours le lundi (si si, elle n'avait pas les cours le lundi) et ne fréquenter les bancs publics de l'école que trois à quatre fois par semaines, elle n'en était pas pour autant plus bête qu'une autre. Ce matin-là, le petit-déjeuner n'avait pas la même saveur, le jus d'orange était amer et les céréales étaient collantes, molles. Le cours de solfège n'était pas aussi intéressant qu'à l'accoutumée et au supermarché, mère et fille n'avaient pas partagé un seul petit mot. Non, le silence était d'or ce terrible lundi. Au souper, Juan n'avait pas rejoint le reste de la maisonnée, terré dans sa chambre. « Est-ce que je peux aller voir papa ? » « Chérie, il vaut mieux le laisser se reposer. Il a besoin de calme... Tu le verras demain, d'accord ? » Aussi réconfortante ait été la voix de sa mère ce jour-là, Esperanza ne parvint pas à dormir. Et s'il était arrivé malheur ? Elle qui avait toujours eu le sentiment d'être née au sein même d'une famille sans encombres, d'un tableau sans ombres, sans défauts ? Malheureusement, le lendemain matin... la jeune fille ne verra pas son père. Il était à peu près minuit lorsqu'un bruit horrible la fit sursauter dans son lit. Elle n'osa pas broncher, de peur de se faire punir, mais elle entendait la voix de sa mère, rompre le silence, au loin. Des brides de conversations... Elle téléphonait sûrement. Oui, il a fait une attaque. De qui pouvait-elle bien parler ? De son père ? Et si c'était grave... Non, il ne respire quasiment plus... je vous en supplie. Le coeur de la jeune fille manqua un bâtement, son estomac se tordait dans son ventre et son souffle fut couper l'espace d'une seconde. Elle tira contre elle sa couverture et ferma les yeux. Ô toi grand Seigneur, je t'en supplie. Protège ma famille du malheur et de la catastrophe. Elle soupira, une larme roulait déjà sur sa joue, mais elle continuait sa prière silencieuse... Il lui en faudrait du courage pour affronter la suite, beaucoup de courage.

♫ CHAPTER TWO
La vie à Madrid n'avait plus la même saveur. Le temps ne s'écoulait plus de la même façon. Les premiers mois qui suivirent le décès de Juan, Esperanza s'enferma dans un mutisme inquiétant. Troublée, sa mère la forçait à suivre une thérapie... si bien qu'elle-même n'eut jamais vraiment le temps de faire le deuil de son époux. Dans le fond, avec du recul, à cette époque, s'occuper de sa fille et la sortir de son traumatisme occupèrent si bien l'esprit de Mariña qu'elle n'eut trop à souffrir de la perte de son mari. Esperanza régressait au fil des jours, petit à petit, elle perdait de son courage et de sa force, devenant une jeune fille plutôt discrète et silencieuse. En cours, elle ne suivait qu'à moitié, ses notes chutèrent et ses résultats inquiétèrent la plupart de ses professeurs. C'est précisément à cette époque là que naquit en la jeune fille cette véritable passion pour la musique, à cette époque précise aussi qu'elle prit ses premiers cours de piano et de guitare sèche. Ce sont ces instruments là qui, petit à petit, permirent à la jeune Esperanza de faire son deuil. Trois longues années pendant lesquelles elle apprit à se façonner une personnalité marginale et atypique. Finie la jeune fille joviale et douce, elle devint la fille discrète et mystérieuse. Jusqu'au jour où un jeune homme, du nom de João, vint capturer son coeur... et son âme.

Ils se connaissaient à peine lorsqu'ils se sont rencontrés. Mais comme dans toutes les plus grandes séries américaines, il y eut un véritable coup de foudre entre eux. Elle avait tout juste seize ans, il en avait tout autant. Ils partageaient le même banc dans la même classe, s'ennuyaient tout autant pendant le cours de langue et n'avaient trouvé comme autre occupation que celle de gribouiller des images indescriptibles sur une feuille. Un gribouillis, puis un autre, jusqu'à en faire une véritable oeuvre d'art. Petits coups d'oeils complices et beaucoup de rires partagés, jusqu'au moment fatidique où, un jour, lui offrant sa pomme pour la récréation, João fit à Esperanza une déclaration surprenante. « Je t'aime. » Elle manqua de s'étouffer, recracha le morceau de pomme dans sa main libre et équarquilla les yeux. « Pa... Pardon ? » « T'as bien compris, je t'aime !  » « Mais... Mais comment ça, tu m'aimes ? » « Comme un dingue... t'hantes mes pensées H24, j'arrive pas à t'sortir de ma tête. J'pense à toi en mangeant mon bol de céréales le matin, j'pense à toi en fermant la lumière sur la table de chevet le soir, j'pense à toi en f'saint mes d'voirs... tout l'temps, j'te dis. » « De... depuis quand ? » Un long silence interrompit leur conversation... Esperanza ne savait pas si son coeur battait si fort parce que les sentiments de João étaient réciproques ou s'ils étaient dus à la violence du choc, la surprise. « Laisse tomber... J'veux pas t'perdre pour ça. Et ça t'met mal à l'aise, j'vois bien... J'préfère qu't'oublies ça. » « Non non NON !!! » Il était sur le point de partir lorsqu'elle attrapa sa main. Il se retourna et avant de comprendre quoi que ce soit, elle brusqua ses lèvres jusqu'à celles de João. Ainsi partagèrent-ils leur premier baiser... Elle était amoureuse, et c'est grâce à ce sentiment nouveau qu'elle réussi à faire le deuil de sa relation avec son père.

♫ CHAPTER THREE
Dès lors, la vie paraissait reprendre son souffle. Comme si brusquement, les secondes redevenaient secondes. Les décors reprenaient de la couleur et le soleil brillait aux éclats. Esperanza redevenait petit à petit cette fille souriante et généreuse qu'elle avait toujours été. Sa relation avec sa mère était particulièrement fusionnelle et sincère. Entre elles, il n'y avait plus de malentendu, plus de malaise. Mariña avait traversé le deuil de sa fille à chaque instant, sans jamais en démordre. C'était grâce à cette ténacité que la jeune fille avait réussi, non sans peine, à reprendre doucement goût à la vie et à ce qu'elle pouvait lui offrir. Oui, mais voilà, il était temps pour elle de voir plus loin désormais... qu'allait-elle faire de son avenir ? « Le Royal College of Art, à Londres. » « Tu es vraiment sûre de toi ma chérie ? » l'expression inquiète, Mariña observait sa fille avec tendresse. Oui, elle en était certaine, à présent. Mais fallait-il pour se faire que la jeune fille quitte le domicile familial... pas uniquement, elle devait aussi quitter le pays et tout reprendre à zéro, là-bas. Y avait-elle vraiment songé ? « J'ai envie de prendre le large Maman. Tu sais que je t'aime, je t'aimerais toujours. Mais j'ai trop erré ici, comme un zombie, trop longtemps. Il est temps pour moi de construire mon avenir, et j'ai vraiment envie de percer dans ce domaine là... » « Et quand comptes-tu l'annoncer à João ? » BAAM ! ça, elle n'y avait pas encore pensé. Mais obtenir l'aval de sa mère lui semblait bien plus primordial que celui de son petit ami, combien même ils vivaient une relation passionnée depuis plus de trois ans. Elle soupira, ramena une mèche rebelle derrière son oreille et baissa les yeux. Il n'y a rien de pire dans la vie que d'affronter un départ, quel qu'il soit !

C'était encore un lundi... même si les traditions avaient bien changé, il n'en restait pas moins un jour symbolique dans la vie d'Esperanza. Son choix était fait, pas de retour en arrière, il lui restait à présent à assumer le poids de sa décision. Elle n'avait que dix-neuf ans, bientôt vingt, mais elle se sentait déjà l'âme d'une adulte, prête à affronter l'avenir la tête haute et sereine. Ce jour-là, elle donna rendez-vous à João sous un saule, dans un parc, près de la plage. Ils s'y installèrent, tranquillement, et discutèrent quelques instants. Vint alors l'heure des aveux. « Jo', je dois te parler de quelque chose d'important. » Elle posa sa main sur la sienne en souriant. « Voilà... Toi et moi, c'est vraiment important pour moi. Tu le sais. C'est grâce à tout ce qu'on vit que j'ai pu affronter tout ce qui m'était arrivé dans le passé. Tu as été un pan important et énorme de ma vie, j'ai besoin de toi. Plus encore aujourd'hui que jamais... » « Tu me fais peur Espé'. » Elle esquissa un sourire maladroit. « J'ai envoyé ma candidature dans une école d'art à Londres, au pif, sans savoir si mon dossier les intéresserait. Et j'ai reçu une réponse, avant-hier... elle est positive. Je suis acceptée pour une première année... » « Mais... c'est énorme Espé', c'est génial ! Tu aimes tant la musique, c'est une opportunité en or. » Elle senti son coeur reprendre son souffle. « Vrai... vraiment ? ça ne te dérange pas ? Je veux dire, c'est à Londres... c'est pas la porte à côté. » « Je t'aime Espé'. Bien sûr que ça me fait chier de savoir que tu vas partir en Angleterre. Evidemment que j'vais en souffrir, mais je ne veux que ton bonheur. Si seulement tu avais idée à quel point tu m'as été importante et à quel point tu as réussi à transformer mon quotidien. Espé', tu as toujours fait passé mon bonheur avant le tien, c'est à mon tour aujourd'hui de faire passer tes envies avant les miennes. Je veux que tu y ailles, que tu en profites autant que tu pourras... » « Et... et nous, qu'est-ce qu'on devient ? » un long silence intervint. Ils n'avaient pensé une seule seconde à envisager la relation qu'ils entretiendraient à l'avenir... pourtant, ils n'avaient plus le choix à présent. Qu'adviendrait-il de leur couple, si elle partait à Londres ? « Rien ne nous sépare Espé' ! Je peux venir te voir régulièrement, tu peux rentrer au bercail et puis, je suis persuadé que ça peut fonctionner... toi et moi ! J'ai envie d'y croire, parce que je t'aime tellement. » Elle sourit... oui, elle y croyait, elle aussi !

♫ CHAPITRE
EN COURS D'EDITION
Tout le monde connaît cette histoire vieille comme le monde. Cette jeune fille de bonne famille au passé un peu lourd qui rencontre l'amour pour la première fois et qui, brusquement, décide de partir à l'étranger suivre des études, vivre ses rêves et sa passion. Tout le monde a un jour connu cette histoire, deux amoureux qui, malgré la distance, essaient de conserver leur sentiment. Et tout le monde en connaît le dénouement. A peine arrivée sur place, l'effervescence et l'excitation prendront le dessus sur tout le reste. Cette envie égoïste de réussir et de ne penser qu'à soit, à son avenir et ses études, qui brusquement, séparent deux amoureux. Oui, Espéranza et João tenteront tant bien que mal de marquer le coup en jouant les couples heureux mais le temps et la distance auront raison de leur romance. Aujourd'hui, c'est seule (plus ou moins) qu'elle affronte un quotidien différent, bien différent. Madrid est devenue Londres, sa mère n'est plus à ses côtés pour lui insufler le courage de perséverer mais son père veille. Le coeur lourd, l'âme légère pourtant, elle commence ses études et y mettra tant d'acharnement qu'avec du temps, et de la volonté, elle parviendra peut-être à goûter à cette sensation merveilleuse... L'avenir lui appartient, désormais.