« AIMEEEER C’EST C’QU’IL Y A D’PLUS BEAAAAAU ! ». Quand j’étais ptite, ma grande sœur était fan de la comédie musicale Roméo et Juliette. Mais quand je dis fan, c’est VRAIMENT fan ! Genre, elle avait fait chier mes parents pour aller au concert, elle connaissait toutes les chansons par cœur, avait même acheté le même bonnet de Juliette ET PIRE QUE TOUT, elle écoutait l’album en boucle… encore et encore et encore et encore. Et moi j’en pouvais plus, j’avais presque les oreilles qui saignaient sérieux. ET PUIS SI ON PEUT PLUS REGARDER POKEMON PÉNARD OU VA LE MONDE SÉRIEUX ??? Du coup, comme à chaque fois que ma sœur se pétait la voix sur sa comédie musicale pourrie, je m’étais levée, et avait déboulé dans sa chambre, tout en douceur : « LEAAAAAAA TU FAIS CHIEEEEEEEEE !!!!! ». « EMMA TON LANGAGE ! », avait alors gueulé ma mère, de la cuisine. Et encore une fois, je m’étais fait punir. Et encore une fois, j’avais dû manger des brocolis au repas. Et encore une fois, ma sœur était fière d’elle.
Bon, n’allez pas croire que j’ai passé une enfance traumatisante ou je ne sais quoi. A vrai dire, j’ai de très bons souvenirs de ma vie durant l’enfance et même si je me disputais souvent avec ma grande sœur, c’est elle qui m’a tout appris. Papa et maman travaillaient beaucoup pour subvenir à nos besoins, mais nous ne manquions de rien. Nous vivions dans la banlieue parisienne dans une petite maison de ville assez cool. On avait un chien aussi, qui s’appelait Chouquette, en hommage aux pâtisseries trop bonnes là. La vie était simple et aimante et rien d’autre ne semblait compter.
A l’école, j’étais douée sans vraiment l’être. En fait, dès que ça ne m’intéressait pas, je décrochais immédiatement, ce qui faisait de moi une élève instable, d’après mes professeurs. Mais j’ai survécu à l’école primaire, au collège et même au lycée. J’suis repartie de là avec un bac économique et social en poche, sans vraiment savoir comment j’ai fait pour l’obtenir, étant donné que les maths, l'économie et moi, ça a toujours fait 4454552. Puis, ma vie a pris un autre tournant, vers l’âge de dix-sept, dix-huit ans. Jusqu’ici, je vivais une vie assez banale. J’avais eu des copains, sans vraiment tombée amoureuse. J’étais une fille bien dans ma vie, bien dans ma peau, mais j’ignorais qu’il me manquait quelque chose d’essentiel… quelque chose que je n’allais pas tarder à découvrir…

La première fois que j’ai vu Jeremy, c’était dans le réfectoire de l’université. J’étais assise avec ma bande de biatch copines et on bouffait nos haricots verts tout en papotant sur l’haleine de chacal du prof d’anglais… jusqu’au moment où, il est entré dans la pièce. C’était comme dans les films, tout semblait se passer au ralentit… Plateau à la main, il traversait le réfectoire en parlant avec Romain, un mec qui partageait le même court d’espagnol que moi. Il était grand, sans trop l’être, semblait assez bien bâti. Ses cheveux étaient blonds comme les blés, même si je doutais fortement que cette couleur lui soit naturelle. Ses grandes yeux bleus étaient rieurs et son teint pâle lui donnait des airs angéliques. Bref, j’étais complètement sous le charme. « EMMA J’TE PARLE ! ALLÔ ! ». Je sursautais, le monde alentours reprenant vie autours de moi. Julie, ma meilleure amie, claquait des doigts devant mon visage et semblait assez agacée par mon manque d’attention. « Tu baves. », me dit alors Laurine, une autre pote. Et effectivement, je bavais. J’essuyais alors rapidement le coin de mes lèvres et reposais mon regard sur le beau blond, désormais assis, à l’autre bout de la grande pièce. « C’est qui ce mec ? », commençais-je par demander. Mes copines scrutèrent le beau gosse aux cheveux colorés et Marie sembla songeuse un instant. « J’crois que son nom est Jeremy Jakobsen… un truc dans le genre… ». Un conseil : si vous voulez savoir un truc sur N’IMPORTE QUI sur cette terre, c’est simple : demandez à Marie. Cette meuf est une usine à informations et sa curiosité la tuera un jour, c’est sûr et certain. « Il est anglais… ». OMG un anglais. Et plus ma copine me parlait de ce… Jeremy, plus je me sentais fondre… et plus mes haricots prenaient l’eau aussi… « il est là grâce à Erasmus… ». J’observais le jeune homme un instant, laissant un gros blanc planer au-dessus de nos têtes… avant de soupirer et poser mon menton dans le creux de ma main. « Il est trop beauuuuu ! ».

Et c’est ainsi que débuta la mission « il faut keum Jeremy l’anglais ». Et croyez-moi, c’était loin d’être facile. Marie m’avait fourni son emploi du temps, Laurine m’avait accompagné chez le coiffeur et Julie m’aidait à parfaire ma technique infaillible de drague. « Salut beau gosse, t’as pas un zéro six ? », répéta Laurine, hilare. Elle se foutait de ma gueule la gueuse et moi, je boudais, les bras croisés sur ma poitrine. « C’est super bien comme technique d’approche, okay ? ». Marie explosa de rire, et je double boudais… Non, mais sérieusement, c’était quoi ces copines en carton ? Elles pouvaient me soutenir quand même. « Ecoute, Em’, c’est pas comme ça que t’arriveras à le pécho ton blondinet ! ». Ouais, ben là, c’était mal barré, surtout si mes potes commençaient à se foutre de moi. Et alors que je boudais toujours, L’INCROYABLE SE PRODUISIT !!!! Jeremy débarqua dans le couloir et s’approcha de nous. Plus il s’approchait, plus mes copines arrêtaient de rire et plus mes yeux s’élargissaient. Jusqu’au moment où il fut juste face à nous et qu’il passa une main maladroite dans ses cheveux. « Je euh… excusez-moi… », OH MON DIEU. Je fondais. J’étais en train de me liquéfier. Son accent était à croquer et j’allais mourir incessamment sous peu. Les regards de Laurine, Marie et Julie me sondèrent alors immédiatement, d’un air de dire : bouge toi le cul la grosse, faut que tu répondes quelque chose. Alors, prise de panique, je toussotais légèrement, prenant la pause contre le mur, histoire de me la jouer belle gosse… mais vue la grimace de Julie, j’crois que c’était loupé. « Euuuuuh ouais ? ». Pitoyable. Mais quelle conne ! Sur le coup, j’avais envie de me fracasser la tête contre le mur, jusqu’à ce que mort s’en suivre. « je euuuuh… cherche la salle… 356... ». Il cherchait ses mots et avait encore un peu de mal avec le français et c’était troooooooop mignon. Et vu que je répondais pas, absorbée par les paroles de ce dieu vivant, Laurine me donna un violent coup de coude qui se voulait discret. « Euh oui, hein ! ». Encore pire. Valait mieux que je me taise. « Beeeen, Emma se rend à la 355, donc, elle va pouvoir t’accompagner ! », s’exclama Marie, alors que je la regardais, incrédule. « Quoi ? Ah non, mais je vais pas à la 35/ », « MAIS SI ! », me coupa-t-elle brusquement, le regard dur. Julie me poussa alors du mur et je fus projetée en plein milieu du couloir, commençant à marcher vers la salle 356. « Merci, c’est gentil de m’accompagner ! ». Il était trop mignon (je sais je l’ai déjà dit, mais je le redis, parce qu’il était vraiment très très très très mignon). Mon cœur faisait des bim badaboum de ouf dans ma cage thoracique et j’étais ultra nerveuse. « euh… y a pas d’quoi ! ». « au fait, moi c’est Jeremy ! ». JE SAIS, ai-je eu envie de lui dire, mais par CHANCE EXTRÊME, j’ai fermé ma gueule, pour une fois ! Merci Dieu, merci le Papa noël, merci les Power Rangers Samouraï ! « Emma », me contentais-je de répondre, alors que nous arrivions à la salle du beau blond. « Et voilà… », déclarais-je alors qu’il se trouvait face à moi… Et alors que je pensais qu’il allait partir, se rendre dans sa salle et plus jamais me parler… Jeremy se fit plus nerveux et finit par ouvrir la bouche. « Ça te dirait qu’on se revoit ? ».

Bon, vous vous en doutez… j’ai dit oui. Parce que je suis un peu conne, mais pas masochiste quand même… et on s’est revus… plusieurs fois même… En fait, tous les jours. On est allés au restaurant, au cinéma, on a même pic niquer des knackies balls dans un parc, on a visité le Louvres, je lui ai montré la Tour Eiffel, on a été au zoo, mangé des churros sur un banc… et un soir, il a fini par m’embrasser.
Ensuite, tout est allé très vite. On s’est affichés en couple aux yeux de tous, je lui ai présenté ma sœur, notre première fois, la rencontre de mes parents, le premier « je t’aime », les projets d’avenir… Tout me semblait parfait. J’avais trouvé un garçon à aimer et qui m’aimait en retours. Jeremy était secret sur son passé, mais je l’acceptais, trop heureuse pour détruire ce que nous construisions… Et puis, son année Erasmus toucha à sa fin et il me fit cette proposition. Qui changea tout… Il voulait que je parte en Angleterre, avec lui. L’idée me semblait folle, au départ. A Paris, j’avais ma vie, ma famille, mes amis, mes études… mais une vie sans Jeremy à mes côtés me semblait dénuée de sens… Alors, j’acceptais et quelques mois plus tard, nous emménagions à Londres, dans un petit appartement, loin d’être très design, mais qui nous allait bien. On s’aimait, c’était tout ce qui comptait… du moins, c’est-ce que je pensais…

Un soir, j’étais seule à l’appartement. Jeremy n’était pas encore rentré et je préparais le dîner - voyez par là que je sortais deux tranches de jambon du frigo -, lorsque trois coups se firent entendre sur la porte. J’alla donc ouvrir et… tombais sur trois gars, assez grands et musclés, qui n’inspiraient en rien, la sympathie et la confiance. Ils enfoncèrent brusquement la porte et je n’eus le temps de dire quoique ce soit, qu’ils m’avaient déjà poussé et entraient dans l’appartement, bousculant tous sur leur passage. Je commençais à crier, ne comprenant pas ce qu’il se passait et un gars m’attrapa, me bloquant les bras alors qu’un autre s’approchait de moi, passant sa main sur ma joue. « Ben alors ma jolie, ton ptit chéri t’as rien dit ? », je fronçais les sourcils, ne comprenant pas. Mon souffle était court, j’étais pétrifiée et le troisième gars continuait de ruiner mon lieu de vie. « Ecoute chérie, Jeremy nous doit un sacré paquet de pognon… on est ici pour l’avertir… et peut-être prendre un peu de bon temps aussi, tu crois pas Joe ? ». Le désigné se mit alors à se marrer et je commençais vraiment à paniquer. C’était l’horreur et le mec s’approchait un peu plus de moi, commençant à mettre ses mains dégueulasses sur mon corps. Je hurlais, pleurais, sûre et certaine qu’il allait aller au bout de ses envies. C’était un cauchemar… un putain de cauchemar et alors que mon bourreau se faisait de plus en plus entreprenant, le troisième gars paniqua. « Andy, faut qu’on y aille ! ». Le gars me lâcha et je m’écroulais au sol, en larmes…

« Bébé ? Oh mon Dieu ! ». Jeremy était entré et il me prit immédiatement dans ses bras. « Il… il s’est passé quoi ici ? Tu vas bien ? ». L’appartement était en ruine, mais je m’en fichais éperduement. Je venais d’avoir la plus grande peur de ma vie et tout tournait autours de moi. « Je je… », les larmes coulaient sur mes joues et mon cœur tambourinait dans mes oreilles. « Ils… ils ont dit que tu leur devais de l’argent… je… j’comprends rien Jerem… je… mon Dieu… », j’étais paniquée et le visage de Jeremy changea immédiatement. Il savait. Ces gars avaient raison. Jeremy leur devait de l’argent. Il les connaissait… C’était de sa faute. A lui. J’avais failli me faire violer par sa faute. « Je… bébé, j’suis désolé, okay ? C’est… ça remonte à longtemps… avant que je vienne en France… ». Agacée, je me dégageais de son étreinte et me levais. Il m’imita. « Je… j’déconnais pas mal à l’époque et je prenais de la drogue. ». J’hallucinais. Mon copain, si doux, si parfait, était en fait un toxicomane qui avait fréquenté des criminels ? Tout mon monde parfait s’écroulait. « Quand mon père est allé en prison, j’ai pété les plombs… mais c’était avant ! ». Je courais dans la chambre, attrapais un sac et commençais à foutre mes affaires dedans, le plus rapidement possible. « Emma, tu fais quoi là ? Tu t’en vas ? Non, ne me quitte pas, j’t’en prie ! J’vais tout arranger, j’te le promets ! ». Mais je ne l’écoutais pas et semblant perdre patience, Jeremy m’attrapa les bras, me stoppant dans ma tâche et me postant brusquement face à lui. « ME TOUCHE PAS PUTAIN ! », hurlais-je, les larmes dévalant mes joues. Mais il ne m’écouta pas et je commençais à me débattre. « J’CONNAIS RIEN SUR TOI JEREMY !!! RIEN !!!! Et là, des mecs débarquent et me foutent la trouille de ma vie, par TA faute ! Mais… mais PUTAIN LÂCHE MOI !!! ». J’étais hors de moi, paniquée, agacée, triste. « Me quitte pas, je t’aime, j’t’en prie Emma ! ». Mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas me permettre de revivre la même chose. Ces gars allaient revenir et peut-être cette fois allaient-ils finir le travail ? Je ne pouvais pas vivre dans un tel climat de peur pareil. C’était impossible. « Je… j’suis désolée Jeremy… ». Et attrapant mon sac, je sortais de l’appartement.