UN JOUR JE SUIS NÉE, DEPUIS J'IMPROVISE ► « Mamaaaaaan, Candy' veut pas de moi dans sa chambre ! » me plaignais-je. Son nom complet, c'était Candace, mais j'aimais l'appeler comme ça depuis toujours. C'était son surnom, un point c'est tout. « Chérie, fais moins de bruit s'il te plaît. Et puis, ta sœur a parfaitement le droit de ne pas souhaiter ta présence dans sa chambre ». Voilà comment ma mère réglait tout le problème, en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Quand on y pense, elle était au téléphone, et je devais l'ennuyer plus qu'autre chose. J'allais donc faire autrement. La chambre de Candy' était ouverte, pourtant je ne rentrais pas. En fait, c'était comme si j'attendais une permission, j'avais besoin d'un droit de passage. Comme quoi, j'étais très bien élevée et j'étais loin d'être une sœur emmerdeuse. Sauf que j'avais décidé de faire une entorse à mon règlement aujourd'hui. En deux temps trois mouvements, je courrais à l'intérieur de la chambre, soulevais le matelas, et m’emparais du journal intime de ma sœur. J'avais toujours su qu'il se trouvait là, je l'avais surprise un jour où elle le rangeait. Je savais que de cette façon, j'allais gagner la partie. Je m'empressais de quitter la pièce, munit de mon nouveau trésor. Aussitôt, Candace vint à ma suite essayant de récupérer ce qui lui appartenait à tout prix. « Chen', rends-moi mon journal ! Ne l'ouvre pas s'il te plaît » me suppliait-elle. « Alors, tu me laisses venir dans ta chambre avec toi ? » tentais-je, à nouveau. « Mais.. bon oui si tu veux, mais ne lis pas ce que j'ai écrit » insistait-elle. C'est que la sister ne voulait surtout pas que je lise ses secrets, elle devait en avoir des trucs à cacher. Mais même si je mourrais d'envie de tout savoir, je me retenais parce que j'avais eu ce que je voulais. Et je n'étais pas le genre de personne à trahir les gens, surtout pas ma sœur. Malgré que nous n'ayons jamais été particulièrement proche, j'avais grandi avec elle, et elle faisait partie de ma famille. Elle était tout ce qu'il me restait de celle-ci, avec ma mère. D'ailleurs, cette dernière soupirait en riant légèrement, alors qu'elle suivait notre petite manège. Son interlocuteur devait se poser des questions puisqu'elle le rassura : « C'est rien, juste mes filles. C'est la course-poursuite à la maison ». C'était souvent comme ça en fait. Trois filles dans une même maison, c'était toujours assez mouvementé.

TOI C'EST MOI ET MOI C'EST TOI, MÊME TA PEINE EST LA MIENNE ► Tout n'avait pourtant pas si bien commencé entre nous. Personne de notre entourage n'aurait pu envisager une seule seconde ce que nous deviendrions l'une pour l'autre. Marni, je la connaissais depuis toujours. Étant toutes deux londoniennes, nous avions évidemment fréquentés les même établissements scolaires. Autant dire qu'au départ, elle ne m'inspirait rien qui vaille. Non pas qu'elle soit une des ces pimbêches dans cervelle, parce qu'elle n'en avait pas du tout l'air, mais il y a des gens avec qui ça ne passe pas. Et c'était ça qui n'allait pas avec elle. Je crois même que la réciproque était vraie aussi. Qu'importe, nous avions donc passé les premières années de notre vie à nous ignorer. Puis, arrivèrent les années collège, où nous fûmes placées côte-à-côte en classe, par je-ne-sais quel heureux hasard. Toujours est-il que ce fut l'idée du siècle, et que je serais éternellement reconnaissante au professeur qui avait eu cette brillante illumination. Très vite, nous nous étions entendues pour critiquer nos professeurs. C'était d'ailleurs une de nos activités favorites. Par la suite, à force de bavardage, je découvrais que Marni, c'était moi. Nous étions les mêmes. Tant de ressemblances nous ont très vite rapprochées et nous n'avons pas tardé à rattraper tout le temps perdu. Si bien que nous étions devenues inséparables, on pouvait même donner l'impression de se connaître depuis toujours. Habitant dans des quartiers voisins, nous passions notre temps l'une chez l'autre, parlant potins, mode et tout autres sujets qui nous passionnaient. Des confidences, nous nous en faisions aussi énormément. Je crois même qu'elle est une des seules à tout savoir de moi, mes forces comme mes faiblesses. J'ai une confiance aveugle en Marni, et elle me le rend bien. Dès la fin de nos études, c'est donc sans surprise que nous avons opté pour prendre un appart' en colocation. De cette façon, nous ne sommes même plus séparées, c'est tout bénef'. Pour faire simple, Marni m'est essentielle, je ne peux plus rien faire sans elle. Elle est ma sœur, mon alliée, ma confidente, mon âme sœur, ma femme, ma meilleure amie, tout ce que j'ai de plus précieux en somme. Elle est la personne la plus importante dans ma vie désormais, et j'y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Tu la touches, je te bouffe.

TONIGHT, WE ARE YOUNG, SO LET'S SET THE WORLD ON FIRE ► « Tu m'as inscrite à 'Secret Story' ? » m'exclamais-je. Ça, c'était la dernière bombe que ma meilleure amie venait de me laisser entendre. Et je commençais vraiment à flipper, parce qu'avec elle, je savais que je devais m'attendre à tout. Elle était franchement capable de tout me faire, et de tout m'inventer. Marni hochait la tête à la suite de ma question, toute fière d'elle en plus. Je la regardais alors, ne sachant pas quoi faire, ni quoi lui répondre. « Non mais Nini ! T'es sérieuse ? Tu m'as vraiment inscrite à 'Secret Story' ? » insistais-je. Si ça se trouve, elle était juste en train de se payer ma tête, c'était tout à fait probable aussi ce genre de choses. « J'ai une tête à plaisanter ? Je vais te montrer la feuille puisque t'as même pas confiance en ta meilleure amie » s'exaspérait-elle. Et moi je soupirais avant d'éclater de rire, elle avait le don de faire des psychodrames quand elle voulait. Puis, elle revint brandissant sa preuve en forme de feuille devant mes yeux. Je jetais ma tête dans l'oreiller à côté de moi dès que j'eus vu sa feuille. « Sérieusement ? Il faut que je fasse une vidéo pour le casting. Mais t'es complètement folle ! » m'exclamais-je. Ce qui me perturbait surtout, c'était ce que j'allais pouvoir inventer comme secret. Et puis, si il fallait que je participe à ce programme, c'était avec Marni, et pas toute seule. « Comme si une vidéo allait te faire peur, tu fais comme moi. Je te montrerais comment fonctionne une caméra » ajoutait-elle, plus pour se foutre de moi qu'autre chose. J'étais quand même capable de faire fonctionner ce genre d'appareil. Je saisissais l'oreiller dans lequel je m'étais jetée il y a quelques minutes, et le balançais sur Marni. Elle ne l'avait pas volé celui-là. Au final, j'aurais bien tenté de me faire passer pour une zoophile, mais je crois que ça ne serait pas passé. Ou alors, on ne m'aurait pas cru. Quoique je savais me montrer très convaincante quand je voulais. Enfin bon, toujours est-il que je n'avais pas été retenue, et que c'était bien mieux comme ça. Je m'étais tout de même amusée à faire cette vidéo, et c'était le plus important. Marni arriverait peut-être à me donner goût à tout ça, qui sait.

IF I PLAYED YOU LIKE A TOY ? SOMETIMES I WISH I DID ACT LIKE A BOY ► Une soirée en discothèque comme toutes les autres. J'avais commencé par boire quelques verres pour me mettre dans l'ambiance. Par la suite, j'avais passé un petit moment en compagnie de mes amis, puis j'avais rejoint la piste de danse, où l'on s'était éclaté. Il était maintenant temps que je me dirige de nouveau vers le bar pour un autre verre, une amie me suivit d'ailleurs. Quand on dit que les filles font toujours tout à deux, ce n'est pas qu'une idée reçue. C'est moins drôle de faire les choses toute seule quand même. Je riais avec la jeune femme qui m'accompagnait, et alors que j'allais commander ma boisson attitrée, quelqu'un le fit pour moi. « Un cosmo pour la demoiselle, c'est moi qui offre ». Je me retournais dans la direction d'où provenait la voix et découvrait un jeune home qui me souriait de toutes ses dents. Ma première réaction fut de le remercier. J'avais gagné ça, je n'allais pas en plus me plaindre. C'était juste que je me demandas comment il avait deviné ce que je voulais. Comme s'il avait lu dans mes pensées, il enchaîna : « Je t'ai observé depuis le début de la soirée. Autant dire que tu ne peux pas passer inaperçue ». Il me regarda de haut en bas en s'expliquant. Je hochais simplement la tête, histoire de couper court, parce que je le voyais venir. La méthode de drague hyper lourde à deux francs cinquante, très peu pour moi. Je me retournais même vers mon amie pour bien montrer que le sujet était clos, je commençais même à reprendre ma discussion avec elle. Mais monsieur ne semblait pas lâcher le morceau, il se rapprocha de moi. Sentant une présence un peu plus poche que tout à l'heure, je lui fis face à nouveau, et lui montra que la proximité entre nous deux me dérangeait. Il ne fit pas attention évidemment, et continuait son charabia. « Tu viens danser ? » « Euh non, je suis avec une amie là tu vois » « Allez, tu la verras plus tard, viens profiter de la soirée ». Et là, j'avais droit au sourire et au regard de séducteur, qui me faisait mourir de rire tellement c'était pathétique. Ce que je ne manquais pas de faire, puisque j'éclatais littéralement de rire. « Excuse-moi mais, qu'est-ce que tu t'étais imaginé là ? Que t'allais me payer un cosmo et que j'allais te suivre dans ta bagnole ? Tu t'es trompé de personne bonhomme, je suis pas intéressée ». Et je mettais un point final à l'histoire en traînant mon amie sur la piste de danse. D'ailleurs, elle riait toujours à ce que je venais de dire. En fait, depuis que j'ai eu le cœur brisé par mon premier mec, je me suis jurée de ne plus jamais me laisser avoir par eux. Moins les mecs me contrôlent, et mieux je me porte.

BUT YOU MAKE ME WANNA ACT LIKE A GIRL, PAINT MY NAILS AND WEAR HIGH HEELS ► Il était plutôt tard, je venais de m'arrêter devant une vitrine de magasin en plein Londres. Je profitais de l'air frais de cette soirée pour me changer les idées. Surtout que j'avais toujours préféré profiter de la capitale la nuit, tout est plus beau. Ma petite balade me permettait également de fumer une cigarette tranquillement, et sans empester personne. Beaucoup de gens ne supportaient pas cette odeur, alors que pour ma part, je l'adorais. Enfin, peu importe. C'est alors qu'une voix venue de derrière moi me fit me retourner instantanément. La nuit, on a aussi tendance à flipper davantage au moindre bruit. « T'as une clope ? » me questionnait un jeune homme. J'aurais pu dire non, j'aurais peut-être même préféré. Mais avec celle qui se baladait de ma main à ma bouche, je pense que j'avais peu de chances d'être crédible. Je sortais donc mon paquet pour en extraire une cigarette que je lui tendais simplement. Ce sera une de moins pour toi Gretchen, peut-être que ta santé s'en portera mieux, ou peut-être pas en fait. Il avait allumé mon offrande, je l'avais regardé faire, puis il l'avait laissé se consumer, alors qu'il ne lâchait pas mon regard. Il venait de passer au moins cinq minutes à me regarder, ou à me fixer, appelez ça comme nous voudrez. Pour ma part, j'avais fait un peu pareil, en ajoutant à cela quelques moments de gêne intense pendant lesquels je m'étais contentée de regarder de droite à gauche, autour de moi en somme. Son regard me mettait vraiment mal à l'aise, sensation que je n'avais pas l'habitude de ressentir. J'avais comme l'impression qu'il avait le dessus sur moi, que quand il me regardait comme ça, il pouvait totalement lire en moi, tellement facilement. Et je m'y refusais catégoriquement. Jamais un seul mec n'avait eu un tel pouvoir sur moi, et ça ne commencerait sûrement pas ce soir. « Je devrais y aller, il est tard ». C'était effectivement tout ce que j'avais trouvé pour couper court. « Est-ce que je te reverrais ? » A sa question, je ne répondis rien, je me contentais de hocher les épaules, affichant un petit sourire malicieux. Je ne savais pas ce que la vie nous réservait, si on serait amené à se revoir, ou si on se retrouverait sur le même chemin un jour. Ça, c'est le destin qui allait le décider pour nous. Ce dont j'étais sûre par contre, c'est que son regard allait me hanter longtemps.

IL Y A LE MAL DE L'ABSENCE QUI RESTE, ET CE POUR LA VIE ► « Maman, qu'est-ce qui se passe ? Tu me fais peur ». Celle-ci venait de nous appeler en catastrophe ma sœur et moi, elle avait apparemment quelque chose de très important à nous annoncer. Quand elle prenait cet air grave, que je ne lui connaissais pas beaucoup, je savais que ce n'était pas bon signe. Je ne savais plus quoi dire, ni quoi faire pour essayer de me calmer. « Mes chéries, je.. Je suis malade, gravement ». Elle prenait tout son temps pour nous dire cela, s'arrêtant sur chaque mot pour nous laisser le temps d'assimiler et de digérer. Chose impossible à faire de toute façon. « Je n'ai pas voulu vous le dire avant, parce que je ne voulais pas vous inquiéter et je voulais profiter de tous ces derniers bons moments avec vous sans que cette foutue maladie viennent nous voler notre bonheur ». Je l'écoutais attentivement, et les larmes coulaient de plus en plus vite sur mon visage. Je n'étais pas préparée à ça, je ne pouvais pas la perdre maintenant. La vie était définitivement trop injuste, puisqu'en plus de ma mère, j'allais perdre ma sœur. Ne supportant pas de rester dans cette ville où elle avait tant de souvenirs, elle s'envola vers le sud de l'Angleterre, me laissant seule avec moi-même. […] C'était une belle journée d'automne qui se présageait, des feuilles jonchaient le sol ça et là, et un léger vent me fouettait le visage, faisant quelque peu voler mes cheveux blonds. Pourtant, même ce doux soleil ne pouvait pas redonner un coup de boost à mon moral. Tout simplement vêtue de mon dernier manteau acheté et sur lequel j'avais littéralement flashé, je me baladais près du London Eye. Ce chemin que j'avais tant l'habitude de prendre avec ma mère, quand elle était encore à mes côtés. Cela faisait tout juste un an aujourd'hui qu'elle m'avait quittée. Pourtant, je le revivais chaque jour comme si c'était hier. Si je ne montrais jamais mes failles, celle-ci, j'avais toujours eu du mal à la cacher aux yeux des autres. Perdre sa mère, celle qui vous a donné la vie, c'est un coup de massue, surtout de cette façon. Et j'avais toujours du mal à m'en relever. J'avais passé toute mon enfance à ses côtés. Elle avait pris soin de moi, là où mon père avait été incapable de le faire. Il était clair que ma génitrice avait laissé un vide aux formes de son doux visage dans mon cœur. Un vide que personne ne pourrait jamais combler. La seule solution qui s'offrait à moi était de laisser faire le temps. Il paraîtrait qu'il n'y ait que ça pour refermer les blessures. Et le temps, c'était tout ce que j'avais.