La meilleure façon d'étudier pour moi était de me lever plus tôt et d'étudier et faire mes devoirs vers huit heures du matin, alors que personne n'était debout. C'est avec un pas doux que j'étais sortie de mon dortoir, question de ne pas déranger mon colocataire, et j'étais sortie dans les corridors. En passant près des dortoirs, je n'entendais aucuns bruits; la plupart des gens dormaient ou ils étaient simplement sortis. Mais j'optais plutôt pour la première option; je devais bien être la seule à me lever une heure d'avance pour aller étudier ou faire des devoirs. Je choisissais toujours l'endroit le plus calme de l'académie. Je m'assoyais sur un banc et au travers de la fenêtre, je pouvais voir la salle de musculation et ça n'étais pas désagréable, disons-le. Il n'y avait qu'une seule personne dans le gymnase et il m'intriguait. J'avais essayé de me concentrer sur mes études, mais j'en étais incapable. Je reposais mes livres et m'accoudais près de la fenêtre, question d'observer le dit jeune homme.

Après quelques minutes, alors qu'il semblait s'écrouler au sol de douleur, j'eut un déclic. Je retins un exclamation en plissant les yeux pour mieux le regarder. Il reposais sa jambe, j'en avais bien l'impression et c'est à cet instant que je décidais d'intervenir. En rassemblant mes livres dans mon sac, je passais la ganse sur mon épaule et me dirigeais vers la porte du gymnase pour me diriger d'un pas décidé vers lui. Je croisais son regard et cette fois, je n'eut plus aucun doutes. Julian, c'était bien lui. Quand j'étais jeune, j'avais la chance d'aller dans un camp de vacances pendant un mois à chaque été. C'était aux États-Unis et j'avais tout de suite été remarquée par les autres, à cause de mon accent typiquement british. C'était un camp fréquenté par des jeunes de tous les âges mais c'était avec Julian que je m'étais le mieux entendue. Le genre d'enfant qui rit toujours et qui n'est pas timide. Nous étions tout de suite devenus de bons amis et c'était toujours avec un peu de tristesse que je quittais le camp de vacances. « Julian?! » Demandais-je avec surprise au jeune homme assis contre le mur.

Mais comment étais-ce possible que l'on se retrouve dans la même école? Certes, c'était l'une des meilleures écoles d'art au monde, mais il y en avait plein aux États-Unis. Bien que la surprise était mon sentiment premier, j'étais très contente de le revoir ici. Je savais bien que je l'avais déjà croisé, mais je ne l'avais jamais reconnu.

Je n'avais pas vu Julian depuis des lustres et c'est étendu dans ce gymnase que je l'avais retrouvé. Apparemment, sa jambe le faisait atrocement souffrir et comme n'importe quel garçon, il le cachait assez bien. Le voir souffrir ainsi m'arracha un rictus compatissant. « Emily ?! C’est bien toi ? Attend je me lève faut que je te sers dans mes bras sa fait si longtemps. » D'un geste maladroit, il essaya de se lever, la douleur semblait le clouer au sol. Je m'avança vers lui, assez impuissante ainsi, à le regarder se tortiller. En croisant son regard illuminé, je lui adressais un doux sourire compatissant. « Désolé de te demander sa mais tu me donnerais un petit coup de main pour me lever s’il te plait ? » Je m'avançais alors vers lui pour lui prendre les mains entre les miennes. Ses paumes étaient chaudes, comparés à mes doigts frêles et froids. Je l'aidais à se remettre sur pieds, bien qu'il ait fait le plus gros du travail pour se relever. Il était bien plus grand que moi et il avait franchement bien vieilli. Son visage était plus masculin, plus carré et disons-le, magnifique. Je lâchais ses mains, pour encercler les miennes autour de sa taille et poser ma tête sur son torse. « Tu m'a manqué... » Chuchotais-je tout en retenant mes larmes de joie. J'étais émue de le revoir, c'était un ami à qui j'avais raconté beaucoup de choses et rares étaient les gens à qui je me confiait. À Londres il n'y avait que Charlie, ma meilleure amie de toujours, et Kyran mon nouveau meilleur ami, que je connaissais depuis peu. Après une étreinte qui me semblait interminable, je me libérais de ses bras avant de le regarder et esquisser un faible sourire. « J'espère que tu as une fichue bonne raison pour avoir arrêté de venir au camp et de ne pas m'avoir contactée! » Ironisais-je en le fixant dans les yeux. J'espérais qu'il savait que je rigolais, sa famille n'avais jamais été très sympathique et je me doutais bien que ses parents avaient un certain rapport dans notre séparation. Quelle chance j'avais de le revoir ici, je remerciais le destin d'être aussi clément avec nous. Nous pourrions recommencer à nous dire tous nos petits secrets et raconter nos vies devant un bon film, tout en se bataillant comme on le faisait si bien quand nous étions au camp de vacances.

Son étreinte était rassurante et bien qu'il ait changé depuis la dernière fois que l'on s'était vus, j'y était toujours aussi bien. Je venais de lui dire qu'il m'avait manqué et sa réponse me fit sourire. « Et toi tu ne peux pas imaginer à qu'elle point tu m’as manqué aussi ...» Sur ce, je me séparai de lui à contre coeur afin de lui demander des explications. Évidemment, je voulais savoir il ne m'avait plus donné de nouvelles après être parti du camps une année; je ne l'avais plus jamais revu. Sa réponse confirma mes soupçons. « Voilà je te dois la vérité comme tu dois t'en doutez mes parents m'ont interdit de revenir au camp quand ils ont su que je m’amuse, ils pensaient m'enfermer la bas en croyant que c'était une punition et quand ils ont su la vérité ils m'ont immédiatement interdit d'y aller, ils m'ont inscrivent dans un autre camp... » C'est bien ce que je pensais. Plutôt ridicule à vrai dire d'inscrire son enfant dans un autre camp, simplement car il avait du plaisir à un autre. Ils s'en servaient comme punition et ce n'était clairement pas la bonne façon, du moins à mon avis. Mes parents m'avaient envoyés en camp de vacances et je voulais pas y aller au départ; ils m'avaient cependant spécifié que si après trois jours je n'aimais pas ça, ils reviendraient me chercher. Mais j'avais rencontré Julian et je n'avais jamais envoyé un coup de téléphone à mes parents et c'est avec un grand sourire qu'ils m'avaient accueillie à la fin du mois à l'aéroport. « Enfin je pense que l'on a plein de chose à se raconter depuis le temps que l'on ne sait pas parler ! Je veux tous savoir de tout. » Ça c'était bien vrai. Je me demandais si il avait une copine, depuis le temps. Non pas que je veuilles m'essayer avec lui, au contraire, j'avais Eliott. Et même si j'essayais de me prouver le contraire, j'adorais ce mec et il occupait toutes mes pensées. Bref, j'espérais qu'il me dise qu'il était en couple ou sur le point de l'être, il méritait d'être heureux, après tous ces problèmes familiaux. « Je crois que l'on doit se dire bien des choses en effet. » Je lui affichais l'un de mes plus grands sourires avant de jeter discrètement un coup d'oeil à l'heure sur mon portable; il n'était que 8h15 et j'avais cours à 9h. J'avais ainsi donc amplement le temps de discuter avec mon ami d'enfance et de tout savoir sur sa vie depuis que nous nous étions séparés. « D'abord, qu'est-ce que tu fais à la RCA? Tu étudies en quoi? » Le Collège était destiné aux arts à jusqu'à preuve du contraire, dans mes souvenirs, Julian n'avait jamais été des plus artistiques. Dès qu'il fallait faire des bricolages ou des trucs artistiques au camp il se mettait à rigoler et à faire n'importe quoi pour éviter de devoir s'atteler à la tâche. Il était donc bien évidemment que sa présence ici m'intriguait. Peut-être avait-il découvert une nouvelle passion à travers les années?