Emily Jefferson est morte un matin de février. Elle était âgée de seize ans.
Le rapport de police affirme qu’elle a été battue, avant de finalement rendre l’âme d‘une balle dans la tête.
Emily était une petite brune au regard si innocent qu’il était difficile de croire qu’elle était la fille du très redoutable Monsieur Jefferson. Au-delà de l’apparence plutôt chic de la bâtisse, le foyer Jefferson renfermait de nombreux secrets. Son père, Mark Jefferson était un riche investisseur qui avait connu fortune et gloire de nombreuses années auparavant. Enfin, tout le monde savait que celui qu’on appelait Big Jeff traînait également dans des affaires assez louches. Prostitution, trafic de drogues, ventes d’armes… Big Jeff était le chef de la mafia locale. Tout le monde le savait, mais personne n’en avait la preuve formelle. Sa femme, Jessica Jefferson, était une très belle plante, aux courbes si affriolantes que n’importe quel homme se retournait sur son passage. Elle était sans emploi et au final, ça n'avait pas vraiment d'importance puisque Mark avait largement de quoi lui offrir le train de vie qu'elle souhaitait.
Oui, les Jefferson étaient, en apparence, une famille normale, presque le stéréotype de la famille parfaite. Mais au delà de la beauté de leur propriété et des sourires posés sur leurs lèvres, se cachait une vilaine vérité.

Le rapport affirme qu’un groupe de cambrioleurs est entré chez les Jefferson. Il était une heure du matin. Mark a été abattu d’une balle dans le cœur à une heure et trois minutes. Sa femme, a été sauvagement violée avant d’être égorgée vive, son corps ayant été retrouvé à côté de son défunt mari. La police a mis plus de deux jours avant de retrouver le cadavre d’Emily. C’est une écolière qui l’a trouvé, à la bordure de la ville, son corps brûlé ayant été recouvert d’une épaisse couche de feuilles mortes. Après de nombreux examens, le légiste a affirmé que c’était bien l’adolescente et que son corps avait été calciné après sa mort.
Une atrocité en moins, s’était dit le commissaire de police, ce jour là.
Les forces de l’ordre inculpèrent quelques suspects, mais il n’y avait pas de preuves claires de leur culpabilité. Alors, ils les ont relâché et ont fini par clore l’affaire.

Ce qu’ils ignoraient c’était que toute cette histoire n’était qu’une machination et qu’Emily Jefferson n’était pas morte.


« - Ton père savait qu’un groupe de rebelles voulait sa tête. Il savait qu’un jour où l’autre, ils débarqueraient chez toi, pour tous vous abattre. Alors, il m’a engagé. Pour vous protéger, ta mère et toi. J’ai passé des jours et des nuits à surveiller ta maison. Jusqu’au jour où ils ont débarqué. J’avais tout prévu. J’étais sur le point de venir sauver ta mère, mais tu t’es réveillée et tu es partie en courant. Ils t’ont poursuivi et j’ai dû laisser ta génitrice pour te sauver, toi. Ils ont mis douze heures à te chercher dans les bois et j’ai pris un peu d’avance. J’ai trouvé une jeune femme qui te ressemblait. Une mauvaise fille qui bossait secrètement pour eux et qui était tellement camée qu’elle ne m’a même pas remarqué. Ils ont cru que c’était toi. Et ils l’ont tué. Finalement, je t’ai retrouvé et tu es là.

- Vous voulez dire que… que… qu’une autre fille est morte à cause de moi ?, demanda-t-elle, en pleures, ne pouvant en supporter d’avantage.

- Ce que tu dois savoir, Emily, c’est que désormais, ta vie va complètement changer. Une vie pour une vie. Ton père m’a payé pour te protéger, c’est ce que je fais. Peu importe ce que ça coute.

- Vous êtes un monstre, souffla l’adolescente, essuyant ses joues de porcelaine d’un revers de main.

- Tu vas changer de nom, oublier ton passé, ta famille, tes amis. Tu vas déménager, changer de couleur de cheveux et t’inventer une nouvelle histoire. C’est le prix à payer.

- Pour quoi ?

- Pour vivre. »


Two months ago;

« Jake !!! », hurla la demoiselle, entrant en trombe dans la maison. Comme elle s’y attendait, son protecteur était dans le salon, nettoyant ses armes à feu, disposées devant lui sur la table en bois massif. Dès lors qu’elle pénétra dans la pièce, l’homme releva son visage, fronçant immédiatement les sourcils. « J’crois que… j’crois que j’ai fait une connerie… », avoua-t-elle, honteuse. Trois ans qu’elle vivait ce drôle de mode de vie. Trois ans qu’elle supportait, tentais d’oublier… mais ce n’était pas facile, même si Jake était là pour elle. « C’est-à-dire ? ». Elle passa une main dans ses cheveux, complètement paniquée. « J’étais au… au supermarché et… j’crois que j’ai croisé la mère de ma meilleure amie, enfin… mon ancienne meilleure amie… je suis pas sûre, mais j’crois que c’était elle et… peut-être qu’elle m’a reconnu, j’en sais rien… ça s’est passé si vite… je… peut-être que je psychote, je sais pas, mais… ». Pas le temps de terminer que l’homme s’était levé, son visage ne laissant paraitre aucune émotion. « Monte dans ta chambre, fais ta valise, on s’en va. ».


« Vous savez, vous n’êtes pas la seule élève à débarquer en cours d’année… les étudiants sont très gentils, vous n’aurez aucun mal à vous intégrer ! En plus, avec un joli minois comme le votre, les garçons ne vont pas se faire prier pour vous aborder ! ». La blonde lança un sourire polit à la quadragénaire face à elle et attrapa les quelques documents qu’elle avait posé sur le comptoir en face d’elle. « Rappelez-moi votre nom, s’il vous plaît ? ». Ça avait été dur, dans les premiers temps, mais après trois ans, elle avait fini par s’y habituer. « Malia… Malia Simpson ».

« C’était qui ce mec avec toi ? », lui demanda brusquement Jake, alors qu’elle venait de refermer la porte d’entrée derrière elle. La gamine avait les sourcils froncés, étonnée du ton qu’il employait avec elle. Jake n’était pas une douceur de la nature. Il était un tueur à gage et avait très certainement abattu de nombreuses personnes de sang froid… mais pour Malia, il était son protecteur et c’était grâce à lui qu’elle était encore vivante. En trois années, elle s’était attachée à cet homme qu’elle appelait « tonton » devant les autres et cela semblait réciproque. Cependant, jamais il n’avait employé un tel ton avec elle. « C’est euh… Sam… un camarade de classe… ». Voilà trois mois qu’elle avait débarqué à Londres. Officiellement, elle était originaire de Sydney. Elle en avait passé des heures à cacher son accent, oublier qui elle était… mais au fond, elle était toujours la petite Emily qui vivait une vie banale sans histoire… Désormais, elle devait gérer deux histoires et heureusement pour elle, Jake était là. Pour l’instant, elle n’avait fait aucune gaffe et ne comprenait pas l’attitude de son ami. « Arrête de le voir. ». Elle ne comprenait pas. Elle était obligée de se faire des amis, Jake l’avait même poussé à aller à une fête un soir. Alors pourquoi réagissait-il ainsi à la vue d’un camarade qui la raccompagnait chez elle ? « Quoi ? Mais pourquoi ? On a rien fait de mal ! »… mais au fond, elle savait pertinemment pourquoi son ange gardien réagissait de la sorte : il avait peur qu’elle s’attache trop à Sam. Qu’elle se croit si proche de lui qu’elle lui révèle quelques frasques de son passé. Elle le savait pertinemment et pourtant, elle refusait d’y penser. Ce garçon lui plaisait. Elle avait beau mettre toute son énergie à le repousser, elle l'appréciait bien trop pour que ce soit totalement possible. « Tu sais très bien pourquoi. ». Mais elle refusait. Parce que depuis trois ans, ses relations amicales ne duraient jamais plus longtemps que quelques mois. Parce qu’une vie sans amis n’était pas vivable. Parce qu’elle avait besoin de gens de son âge autours d’elle… De garçons… D’un garçon. Sam. Elle avait besoin de lui et même si elle devait se mettre en danger pour cela, elle était prête à prendre ce risque.