« J'aimerais pouvoir vous dire que ce que vous allez entendre va vous faire rire, que vous allez entendre une histoire drôle, heureuse et pleine de joie. Mais ce serait mentir, et le mensonge chez moi est bannis. Quand je suis arrivée, vous m'avez demandé qui j'étais. Beaucoup de gens se posent cette question mais personne n'a de réponse exact. Qui je suis ? Je ne sais pas. Je suis une ombre, les gens ne me voient pas, ils ne me parlent pas, ne me connaissent pas. Pourquoi ? Parce que je ne fais que passer. Je suis de ceux qui ne laisseront aucune marque de leur passage sur cette terre, tout comme vous, tout comme ceux qui sont en dehors de ce cabinet. Je n'ai pas d'identité, seulement celle que mes défunts parents m'ont donné. Misha Serena Maïakovski. » Les yeux de Serena étaient fixés sur un vase posé non loin d'eux. Les fleurs qui le composées étaient à moitié fanées, certaines ne tenaient même plus debout. Serena passa sa langue sur ses lèvres pour les humidifier avant de poursuivre l'air plus déterminé que jamais. « Vous devez vous demander pourquoi je me tiens face à vous aujourd'hui, mais je me le demande également. Je ne m'explique pas ma venue ici, je pense que j'avais simplement envie de partager mes malheurs, mais surtout mon passé, avec quelqu'un avant ma mort. Tous le monde a besoin de quelqu'un à qui se confier à un moment ou un autre, et bien ce moment est venu pour moi. » Le psychiatre qui n'avait encore dit aucun mot depuis le début de la séance décida de prendre la parole à son tour. Il n'avait pas l'habitude de voir des patientes comme celle qui se trouvait face à lui, assis sur le canapé en cuir. Quelque chose dans son regard la différenciait des autres, elle avait l'expression de celle qui n'était plus surprise par la vie. De celle qui n'avait plus rien n'a apprendre, mais tout à transmettre. « Je vous en prie mademoiselle, je vous écoute. »

Prenant l'élastique attaché à son poignet, Serena le noua dans ses cheveux dans une queue de cheval haute et sophistiqué qui lui donnait l'air d'une femme d'affaire.« Je ne sais pas vraiment par où commencer à vrai dire. Je suis né loin d'ici, très loin même. Dans une ville peu connue de Russie, vous avez dû vous en douter à cause de mon accent mais en effet, je suis russe. Du côté de mes parents, je ne suis pas certaine de pouvoir vous dire beaucoup de chose. Ils sont morts, par ma faute. A cause d'une faute d’inattention, mes parents ont périt dans un tragique incendie. Je ne suis pas en train de me plaindre à vous, vous n'avez pas à me regarder avec tant de compassion. Ma petite soeur avait exactement le même regard que vous après que je l'ai sortit des flammes. Je ne mérite pas votre pitié, inutile de me voiler la face. Anita est tout ce qui me reste, je me dois de l'élever comme la meilleure grande soeur du monde. » Se relevant, Serena fit le tour de la petite salle dans laquelle elle se trouvait alors. Ses propos étaient tristes et elle aurait dû parraître touchée par ce qu'elle disait, et pourtant c'était tout le contraire. L'expression de son visage était neutre. Elle ne laissait transparaître aucun sentiments, rien que de l'indifférence. Avec Serena c'était toujours ainsi, elle ne souriait pas, ne riait pas, ne pleurait pas. C'était le genre qui ne se souciait plus de rien, hormis sa petite soeur bien évidemment. « J'ai quitté le pays, je suis partit le plus loin possible de tout ce qui était rattachés de prêt ou de loin à mes parents, changer d'air était de loin ma plus grande priorité. Sortir Anita de l'horreur qu'elle avait vécu. » Prenant l'appareil photo accroché à son cou, elle le souleva et pris une photo du vase qu'elle observait plus tôt sans cesser de parler pour autant. « Londres. Je savais que dans cette ville une nouvelle vie pourrait se construire pour nous. Une ville active, pas mal d'habitant et la vie n'y est pas trop chers, c'est ce qu'il nous fallait. Vous savez, je n'ai jamais été bien riche, alors je ne savais même pas comment j'allais faire pour nourrir et trouver un toit à ma soeur, heureusement j'ai eu la chance d'avoir été repérée par un photographe. Je ne pose pas toutes mes espoirs sur lui, je sais qu'il ne m'aidera pas bien longtemps, mais le mannequinat m'aide à vivre et c'est ce qui compte. Quand le moment viendra, se sera à mon tour d'être de l'autre côté de l'appareil. » Après avoir finis de prendre ses clichés, elle se retourna vers le psychologue en laissant pendre son appareil à son cou. La photographie, elle adorait cet art. Elle disait toujours qu'un appareil photo était le seul objet à avoir le pouvoir d'arrêter le temps à jamais. Il pouvait faire resurgir des anciennes émotions, la nostalgie étant la meilleure de toute. « Vous pouvez me juger, mais je m'en moque. Tous ceux qui me voient me jugent sans savoir. Bref, je suis Misha Serena Maïakovski. »

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