Comme à peu près chaque jour, tu dois te rendre au Starbucks pour commencer ton service. Pas le choix comme on dit, il faut bien que tu te fasses un peu d’argent pour payer le loyer, tes consommations et tout ce qui va avec. Sans compter bien entendu tes dépenses en matière de soirée. Même si au premier abord, on ne dirait pas que tu passes du temps le soir à t’amuser avec tes potes, c’est le cas. Et comme tout le monde le sait, la consommation ne se paiera pas toute seule. Alors oui, il faut bien travailler. Donc tu te rends sur ton lieu de travail directement après ton dernier cours. Pas de temps à perdre, tu as tout de même des horaires à respecter. Contrairement à la plupart des gens, ça ne te pose pas vraiment de problème d’y aller. Après tout, c’est toi qui l’as choisi non ? Et bien oui alors maintenant, tu assumes jusqu’au bout. Tu as des responsabilités et tu les tiendras jusqu'à la fin de ton contrat étudiant.

Tu enfiles donc ton tablier et commence à servir les clients qui ne demandent qu’à être placé. Rien de bien compliqué : tu es poli, tu souris, tu prépares leurs commandes et les fait payer. Rien de franchement très compliqué, rien qui nécessite un diplôme ou quoique ce soit d’autre. Et pourtant, quand tu croises des personnes que tu ne portes pas forcément dans ton cœur, tu es bien obligé de jouer les faux-culs. Car, bien évidement, tu ne peux pas refuser de servir quelqu’un seulement parce que sa tête ne te revient pas où parce que tu as eu un différent avec lui par le passé. Pourtant, Dieu seul sait combien de fois tu as rêvé de renverser la boisson commandée sur les vêtements d’une des personnes que tu n’apprécies pas spécialement. Mais tu n’as pas le choix, tu dois faire avec donc tu fermes ta bouche et te contentes de répondre à leurs attentes.

Tu commences donc à placer une personne, puis encore une autre. Tu les sers sans trop tarder, toujours aussi souriant. Puis ta collègue t’annonce qu’elle prend sa pause et te demande donc si tu peux t’occuper de la dernière table qu’elle n’a pas encore servit. Tu n’es pas le genre de mec à  refuser, d’autant plus si ça peut aider alors tu acquiesces et part donc en direction de cette fameuse table. En même temps que tu avances vers cette table, tu farfouilles dans ton tablier afin de retrouver ton petit calepin ainsi que ton stylo. Une fois devant la table, ton stylo toujours pas en main, tu continues de tapoter toutes les poches sans vraiment regarder qui peut bien être la fameuse cliente. « - Bonjour, je suis Thyméo et je serai votre serveur aujourd’hui. Vous avez choisi ? » Enfin. Tu viens de retrouver ce fameux stylo et relève donc la tête afin de découvrir ce nouveau visage. Erreur. Grossière erreur. Si seulement tu avais su... Si tu avais su, tu ne l’aurais pas servie. Tu n’aurais pas accepté de remplacer ta collègue. Ce comportement est loin d’être un comportement mature mais tu as des raisons. De très bonnes raisons qui t’enlèvent toute envie de la servir, cette personne. Dans ces moments-là, tu te demande ce que tu as bien pu faire au monde entier pour qu’il s’acharne contre toi. Oui, tu as l’habitude d’en rajouter des tonnes aussi mais pour cela, on t’excusera. « - Bon, tu veux boire quoi ? » Malgré tout, tu n’es pas vraiment agressif dans ta façon de parler, tu prends seulement un ton détaché. Moins tu lui donneras l’impression d’être la bienvenue, moins elle te posera de question ou cherchera à te parler et c’est exactement ce que tu veux. C’était il y a un moment pourtant mais tu ne peux pas t’empêcher de lui en vouloir autant que le jour où tu l’as appris. Il serait peut-être temps de passer à autre chose non ?  Parce que non, ce n’est pas le cas. Sinon pourquoi est-ce que tu y penserais encore ? Dans le fond, tu n’as pas tourné la page, la preuve en est : tu lui en veux toujours autant. Bien entendu, tu le nieras toujours et affirmera toujours le contraire.

Pourquoi est-ce qu’il fallait que ça tombe sur toi encore ? Prendre le relais n’était pas un problème mais prendre le relais pour servir Max, hors de question. Elle a de la chance que tu sois un minimum mature pour accepter de la servir malgré tout. Car oui, bon nombre de mecs seraient déjà partis loin d’ici en courant après lui avoir renversé une boisson chaude à la tête. Mais tu n’es pas comme cela. Tu es rancunier, certes, mais tu ne te venges pas de manière physique. C’est inutile et tu es bien au dessus de cela. Tu vaux mieux qu’elle donc, tu passes à autre chose. Rien de plus normal. Sauf que bien entendu, il faut toujours que ça revienne au grand galop. Tu étais très bien loin d’elle, sans avoir une seule petite nouvelle mais non, c’était trop demandé. « - Euh.. Ben.. Thym.. Euh.. Un chocolat je veux dire. » Tu écris sa commande sur ton bout de papier même si ce n’est pas grand-chose à retenir. Disons que ça te permet de ne pas la regarder elle. C’est mieux ainsi. Plus vite tu lui apporteras sa commande, plus vite elle la consommera et plus vite elle sera partie. C’est ça, le bon côté des choses enfin il faut juste espérer qu’elle ne s’éternisera pas ici parce que ça risquerait de tout compliquer. Surtout que tu ne peux pas refiler ta cliente à la collègue que tu as remplacé. C’est impossible. Une fois que tu prends la commande, tu la fais payer et puis c’est tout. C’est comme cela que ça marche ici, malheureusement.

Tu t’apprêtais à repartir pour donner la commande pour qu’on te la prépare lorsqu’elle rouvrit la bouche. « - Il faut qu'on parle Thyméo. Vraiment. » Tu te mets à ricaner tellement fort que tu aurais pu réveiller les habitants de la Russie ou de Chine. Il fallait que vous parliez. Sérieusement ? Est-ce qu’elle pense sincèrement que tu es naïf au point de t’asseoir et lui dire amen à tout ? Elle est toujours autant dans son monde celle-là. C’est un peu tard pour parler maintenant, il aurait fallu se réveiller avant. Sauf qu’elle ne l’avait pas fait. Elle avait disparut pendant un moment. Rectification : tu ne sais pas ce qu’elle a fait pendant toutes ces années et tu ne veux pas le savoir. C’est mieux ainsi. Tu n’as pas cherché à avoir des nouvelles ou bien à la retrouver bien évidement. Encore une fois, tu n’es pas aussi naïf que l’on pourrait le croire. « - Non, on a rien à se dire. » Et là, tu tournes les talons et t’en vas récupérer sa commande le plus vite possible. Hors de question de s’attarder plus longtemps que cela. Alors tu t’empresses de récupérer sa boisson une fois prête avant de lui ramener à toute hâte. Tu déposes sa boisson devant elle ainsi que la note. Puis tu t’apprêtes à repartir avant de te dire que vous aviez surement des choses à vous dire. Enfin, elle avait des choses à te dire parce que tu n’avais absolument rien à te reprocher. Donc, plutôt que de retourner t’occuper des autres tables, tu décides de prendre ta pause maintenant. Peu importe que vous soyez deux de moins ou non, elle n’a pas tord sur ce coup-là. « - Tu as dix minutes. Magne-toi. » Toujours aussi délicat, aimable... Surtout, ne change rien. Et encore moins avec elle. Tu as encore moins envie d’être aimable. Il ne fallait pas te faire du mal. C’est comme ça que ça marche. On te fait du mal, tu le fais regretter mais à ta façon, sans être violent bien entendu. Parce que ça, non, jamais tu ne le ferais. JA-MAIS. Même si les gens disent souvent « ils disent tous qu’ils ne le feront jamais mais ils le font quand même. », toi tu sais que tu ne le feras pas. C’est vraiment un truc que tu ne pourras pas faire. Ca te dégoûte tellement que tu ne sais pas comment certains hommes peuvent battre leur femme.