Je n’ai jamais compris pourquoi mon père s’est casé avec ma mère. Et comment ils ont réussi à avoir deux gosses et être encore ensemble. Sérieusement, si j’avais été ma mère, j’aurais pété les plombs. Si j’avais été mon père aussi, d’ailleurs. Samantha River – que la moitié du monde appelle Sam –, c’est ma mère. Wren Dashwood, c’est mon père. Maman est ce qu’on peut appeler une hippie. Je l’ai calmée. Enfin, je veux dire, après l’accouchement, elle a un peu stoppé ces délires bizarres. Mais pas tout à fait. Elle manifeste encore très souvent et laisse ses cheveux pousser. Qui plus est, elle s’habille grave bizarre. Papa, à côté, fait tache trop sérieuse. Lui est en costume cravate la plupart du temps et est né avec une cuiller en or dans la bouche. Il ne manifeste pas, il négocie des trucs financiers et ainsi de suite. Les voir côte à côte dans la rue, c’est à mourir de rire. Sauf quand je suis avec eux. Là, j’ai légèrement honte. Ils se sont rencontrés à un gala de charité. Wren venait faire un discours super important et récupérer de l’argent. Sam devait faire en sorte que le gala parte en cacahuète parce que ce n’était pas respectueux envers les hommes et que la paix, c’était essentiel, et blah et blah et blah. Bref, il se trouve que mon père a trouvé ma mère sexy (telle mère, telle fille.) et qu’il est allé lui offrir un verre. L’un dans l’autre, il n’a jamais fait son discours et elle n’a jamais fichu le bazar. Ils ont juste fini bourrés en se faisant un câlin. Ma mère n’a jamais voulu du mariage et autant vous dire que papi et mamie Dashwood n’ont pas apprécié. Bref, mes parents se sont barrés en Australie. Ah oui, parce que avant tous deux habitaient à New York. Ils avaient tous les deux leurs passes temps, leurs idées respectives sur l’argent, les droits de l’homme et les autres sujets de la vie, mais ils s’aimaient, inlassablement. Sérieux, c’est trop mignon.

- Wreeeeeeeen !
- Sam ?
- Il faut que je te dise un truc.
- Mmh ?
- J’suis enceinte.
- Ohmamamamagod. Je vais être papaaaaa !

Ma naissance a ravi mon père. Il était tellement riche qu’il a arrêté de travailler pendant deux ans. Oui, un Dashwood est toujours plein aux as, truc de fifou. Sam a stoppé ces manifs, ces délires et est entrée en mode maman-gâteau, comme Wren. Oui, Papa est devenu maman-gâteau mais bon… La question n’est pas là. Ils étaient heureux. Heureux et amoureux. Et, il faut avouer, c’était l’essentiel. Je suis née un 3 août et ma mère a choisi mon prénom. De toute façon, y’avait qu’elle pour trouver un truc pareil. Teddie, c’est mignon. May, ça passe. Mais Teddie-May c’est… unique. Surtout que je suis du mois d’août.

- Areuh, areuh.
- Oh ! elle a dit maman.
- Non, Sam, elle a dit areuh areuh.
- Briseur de rêves, va.

Mon enfance fut vraiment originale, pour tout vous dire. D’un côté, Papa me faisait bosser d’arrachepied. De l’autre, Maman me disait que la paix et le respect étaient bien plus importants que tout autre chose. J’étais une parfaite petite Australienne et mes cheveux roux furent durant longtemps mon signe de reconnaissance. Dès petite, j’eus de très bonnes notes et j’eus un certain succès auprès de mecs australiens. Toujours très sociable, très jolie, très joyeuse, je me démarquai car j’assumais totalement ce que j’étais : la fille d’une hippie et d’un riche héritier. Même si ma mère m’a toujours encouragée à être calme, posée et peace en love, je me suis très vite découvert une passion pour le rock. Lorsque mon père partait en voyage d’affaire, ma mère sortait avec des amis et me laissait seule – car j’ai toujours eu beaucoup de liberté –, je mettais du hard à fond. J’ai toujours été couverte de cadeaux et j’ai toujours adoré ça… Après une brillante scolarité (auto congratulations, bonjour.), j’ai décidé très tôt que je quitterai le pays des kangourous pour faire des études ailleurs. Les States me tentaient bien, ce n’était pas faux mais mes grands-parents seraient là pour me surveiller. J’étais encore jeune à cette époque-là, mais je savais que mon rêve était d’être actrice, je voulais être connue. Je voulais la gloire et les paillettes. Puis, y’a mon petit frère qui est né. Et là, ce fut le déclic du siècle : je ne resterai en aucun cas dans cette maison de fou. Eliott, qu’il s’appelait. Son prénom était sobre, à lui. Enfin bref, il devint le nouveau chouchou et mes parents me laissaient plus que libre. Je sortais, je faisais la fête, je buvais encore et encore aux soirées. Je suis un peu partie en vrille. Alors, Wren et Sam m’ont dit que si je devais partir de l’Australie, j’irai à Londres où une de mes tentes habitait. Bon, mon père n’avait pas l’air ravi que j’aille chez la sœur de ma mère. Elle aussi était dans un trip hippie.

- Bon bah… Mam’, Papouille, Eliott, voilà. C’est le grand jour, c’est le départ.
- Bon voyage, ma puce !
- Ta mère sera fière de toi dans tous les cas, Teddie-May.
- Tu pourras me rapporter un tee-shirt « i love london », soeurounette ?

Me voilà donc installée à Londres en étude théâtre avec l’ambition de devenir actrice. Et toi là ! Oui toi : Invité ! Fais gaffe, Teddie-May Dashwood est dans la place !