« J’ai toujours été la jolie fillette irréprochable. J’avais les plus belles robes de l’école et les ballerines les plus vernies d’entre toutes les petites filles. De superbes boucles blondes, parfaitement dessinées et qui ma valaient de nombreux surnoms pas forcément variés mais plutôt amusants. Enfant, j’avais vraiment tout pour être heureuse et je menais à la baguette mon petit monde, parce que j’adorais ça. » dixit Scarlett Redbury.
Scarlett, c’est la petite poupée de cire que tout le monde a, un jour où l’autre, rêvé d’avoir. Une peau pâle, des pommettes hautes et rosies par le vent frais ou l’embarras d’une situation délicate, des yeux d’un bleu transcendant et une crinière blonde naturellement bouclée amenant à l’innocence une pointe de sauvagerie. Fille chérie d’un chirurgien côté de Kensington et d’une ancienne serveuse devenue directrice de sa propre chaîne de restauration française dans le pays, Scarlett a toujours vécu dans un cadre idyllique où l’argent n’a jamais posé le moindre problème. Bien sûr elle n’aurait jamais eu la prétention de s’organiser des journées shopping à 3000$, mais elle n’a jamais manqué de rien et là est le plus important. Deuxième et dernière fille du couple, Scarlett a toujours été chouchouté et traitée comme une véritable princesse. Un cadre que beaucoup qualifieraient d'idyllique, pourtant comme dans toutes les fratries rien n'est parfait et derrière les rideaux crèmes parfaitement lisses et les carreaux fins sans trace de la maison Redbury, on ne dérogeait pas à la règle.

« Tu rêves Scarlett, arrête d’être aussi distraite. Le monde dehors ne va pas attendre que tu te réveilles pour avancer, il fonce et il s’en fiche que tu sois en première ligne ou que t’aies pris le train en cours de route à partir du dernier wagon. Laisse les gens là où ils sont, arrête de les tirer vers le haut avec toi parce qu’ils se serviront tôt ou tard de toi comme d'un piédestal quand toi tu essaieras de remonter à la surface. Papa et maman l’ont toujours dis, la vie n’est pas un conte de fée. Ne crois pas que le destin ça existe, c’est pour les faibles et tu le sais très bien. » dixit Fay Redbury, la grande soeur.
Becca et Garrett Redbury ont toujours veillé à donner à leurs deux filles une éducation stricte en les incitant à une exigence toute particulière aussi bien dans leur travail que dans leurs efforts et dans l’image qu’elles renvoyaient aux gens. Si cette pédagogie marchait on ne peut mieux sur Fay, l’aînée des deux, le résultat n’était pas le même sur Scarlett. Du moins il l’était lorsqu’elle était gamine et malléable, mais plus elle grandissait et plus elle semblait vouloir s’affirmer, pire encore s’émanciper de cette tutelle étouffante. Bien sûr, jamais elle n’aurait fait quelque chose qui déplaisait à ses parents, elle l’avait bien compris le jour où elle s’était faite prendre après avoir fait le mur pour se rendre à une soirée organisée très tard par l’un de ses amis. Mais cette image parfaite que sa famille renvoyait, cette image qui ne laissait place à aucune fantaisie et aucun faux pas ne lui convenait plus. Grande ambitieuse, Scarlett a cette particularité Redbury qui fait d’elle non seulement une forte tête mais aussi une demoiselle toujours classe et distinguée au style irréprochable et aux manières délicates. Pourtant sa créativité sans borne, sa rêverie permanente et sa passion démesurée pour les arts sont des spécificités qui ont longtemps agacé ses parents qui la voyaient peu à peu se détourner du brillant avenir qu’ils avaient prévu pour elle pour deux trois notes de musiques et quelques feuilles de papier griffonnées.

« C’est absurde, tout le monde sait que la musique est un milieu pauvre de matière et remplis de cons illettrés. Jouer de la guitare n’a jamais permis à Margaret Thatcher de s’illustrer en politique tout comme écrire des chansons sur des serviettes de table n’a jamais aidé Martin Luther King a écrire son grand discours. Alors lâche-moi cette lubie folle d’un jour devenir la prochaine Katy Perry une bonne fois pour toute et viens manger. » dixit Dr. Garrett Redbury.
S’il n’avait tenu qu’à elle, Scarlett aurait proposé sa candidature dans un département artistique du Royal College of Arts. Mais il fallait être réaliste, c’était ses parents qui lui payaient ses années et jamais ils n’auraient accepté que leur fille suive un tel cursus. La musique, le chant, pour eux c’était tout un univers à part, déconnecté de la réalité et auquel ils n’avaient jamais vraiment prêté attention. Et en dépit du talent évident de leur fille, de sa voix pure et de ses doigts de fées lorsqu’il s’agissait de gratter des notes sur une guitare, il n’en démordait pas. Fort heureusement Scarlett n’était pas le genre de personne insensée qui n’a jamais de plan de secours. Elle s’inscrit donc en première année de droit et il faut croire que cela marcha plutôt bien puisqu’elle passa en deuxième année. Malgré cela, la demoiselle nourrit toujours l’espoir secret de faire de la musique une partie de sa vie future. Peu importe ce qu’il lui en coûtera, elle a beau ne pas suivre de cours de chant, d’écriture ou de solfège au RCA, elle n’a rien perdu de son talent pour la composition et de sa passion pour le son aux sonorités pop, blues et country. Et viendra un jour, ce jour où elle s’émancipera définitivement de ses parents et où ces derniers ne pourront plus rien pour elle et ses « lubies folles ».

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