PART ONE ɬ 05/02/1998 Je levais mes yeux au ciel. Un flocon de neige tourbillonna en l’air, et finit par atterrir sur le bout de mon nez, déjà rouge à cause du froid. Je me retournais vers Tyler, un sourire éclatant sur mon visage. ‘‘Le premier flocon !’’ Ses yeux brillaient autant que les miens, ravis par la neige qui commençait à présent à se déposer sur le sol. M’attrapant par la main, il m’entraîna à sa suite, courant le long de la petite rue tranquille de la banlieue londonienne où nous vivions. Après avoir tourné à l’angle, nous arrivèrent essoufflés devant une petite maison grise. Poussant le portail en bois grinçant, nous nous précipitèrent jusqu’à la porte d’entrée. Une fois à l’intérieur, la chaleur nous envahit délicieusement. Mais il manquait quelque chose. L’odeur du chocolat chaud que ma mère nous préparait tous les jours quand Tyler me ramenait de l’école.
Intriguée, je poussais la porte de la cuisine, cherchant une présence rassurante. Mais la pièce était vide. Je montais les escaliers, Tyler derrière moi, et arrivait devant la chambre de mes parents. Entendant du bruit dedans, j’entrais et découvrais mon père assis sur le sol, adossé au lit et fixant une photo qu’il tenait dans ses mains. Son visage avait quelque chose d’inexplicablement triste. En m’entendant entrer, il leva les yeux vers moi, et j’eus l’impression que quelque chose d’horrible s’était passé.
‘‘Oh c’est vous …’’
‘‘Que s’est-il passé papa ? Où est maman ?’’
Je commençais à penser que son absence était inquiétante.
‘‘Ma chérie … Approche.’’
Je m’avançais vers lui et s’agenouillant devant moi, il m’attrapa par les épaules et me regarda droit dans les yeux.
‘‘Ta maman est partie.’’
‘‘Quoi ? Où est-elle partie ? Elle revient quand ?’’
‘‘Elle est partie vivre ailleurs. Elle ne reviendra pas mon amour.’’
Je ne comprenais pas ce qui se passait. Ma vision commença à se brouiller, mes yeux se remplissant de larmes. Je ne pouvais pas comprendre ce qui se passait. Où était partie ma mère ? Pourquoi n’était-elle pas là avec moi ?
‘‘Elle … Elle nous a laissé… ?’’
PART TWO ɬ 21/07/2007 Le soleil brillait en cette fin d’après-midi de juillet, et la douceur de la journée s’étendait autour de moi. J’étais assise dans l’herbe, au milieu de notre petit jardin. Regardant le sol devant moi, je vis étalés des bouts de magazines découpés, pleins de silhouettes de mannequins. Je retroussais mes manches, replaçais la mèche de cheveux qui me tombait devant les yeux, et je prenais mes ciseaux. Au travail ! Une fois que j’aurais fini de découper ces silhouettes, je pourrais les coller dans mon cahier. Un jour, ce serait mes vêtements que l’on verrait dans les magazines.
‘‘Mati ! Mati !’’
La voix de Tyler me parvint depuis l’avant de la maison. Il venait jouer avec moi, comme tous les jours. Sauf qu’aujourd’hui, il n’était pas venu en début d’après-midi, ce que j’avais trouvé bizarre.
‘‘Oui, je suis dans le jardin !’’
Arrivant essoufflé devant moi, il me regarda avec un sourire qui semblait empreint d’une certaine tristesse.
‘‘Hé ben, tu t’es dépêché ?’’
Je rigolais en le regardant s’asseoir et reprendre son souffle. Une fois assis, il passa sa main dans ses cheveux emmêlés comme il faisait toujours, et me prenant la main, il me regarda droit dans les yeux de son regard si profond.
‘‘Mati, je sais pas comment te dire ça. Tu sais que je t’adore, et que si je le pouvais, je ferais autrement.’’
Je le regardais, interdite, attendant la suite.
‘‘Mes parents m’ont annoncé qu’on déménageait à Londres.’’
Mon pouls s’emballa, ma respiration s’accéléra et les larmes commencèrent à se bousculer au bord de mes paupières. Ce n’était pas possible. J’avais mal entendu ce qu’il avait dit.
‘‘Tu t’en vas ? Tu me laisses ?’’
‘‘Je suis désolé, ils m’ont dit qu’il n’y avait pas d’autre choix.’’
‘‘Mais comment je vais faire moi ?’’
Le souvenir de cette soirée d’hiver, sept ans auparavant, me revint en mémoire, et me frappa de plein fouet. Voilà, ça recommençait. Cela faisait des années que je m’efforçais d’oublier cette nuit affreuse, et tout recommençait. On m’abandonnait à nouveau.
PART THREE ɬ 15/09/2011 Le moment était arrivé. J’y étais arrivée. Je me tenais là, devant ce portail mythique dont j’avais tant rêvé, entourée de dizaines et dizaines d’étudiants. J’étais à Londres. Au Royal College of Arts. Un étudiant passa et me bouscula légèrement, me tirant de ma rêverie. Agrippant la lanière de mon sac en bandoulière, j’inspirais un grand coup et m’engouffrais à l’intérieur du bâtiment. C’était le premier jour, et le hall était en effervescence. Je tentais de comprendre où je devais aller, mais tout me semblait immense. Sortant la feuille où était inscrit mon emploi du temps, je regardais où se situait mon premier cours. ‘Amphithéâtre A’ Bien, au moins je savais ce que je devais chercher. Je rangeais la feuille, et réalisai que mon portable était en train de vibrer. ‘Papa’ L’attrapant, je décrochais.
‘‘Oui, papa ? […] Oui, je suis bien arrivée, je ne me suis pas perdue. […] Ne t’inquiète pas, ça va aller. Je te laisse, je dois aller à mon premiers cours. […] Oui moi aussi, je t’aime. Bisous.’’
Je le rappellerais en fin de journée pour lui raconter, mais pour le moment, j’étais concentré sur ce tout nouvel environnement. Soupirant, je cherchais à apercevoir une indication pour trouver cet amphi.
‘‘Besoin d’aide ?’’
Un jeune homme brun se tenait devant moi, un sourire malicieux sur son visage.
‘‘Ça se voit tant que ça ?’’
J’éclatais de rire, soulagé d’avoir trouvé quelqu’un pour me guider dans ce qui me semblait un vrai labyrinthe.
‘‘Je suis censée aller en amphi A, mais je n’ai aucune d’idée d’où c’est !’’
En riant, il se retourna, et m’indiquant de le suivre, commença à marcher dans la direction de l’amphi. Tout en le suivant, je repartais dans ma réflexion. Le fait d’être là me semblait tellement irréel. J’avais l’impression que mon rêve devenait enfin réalité.