Début de la journée. Longue journée en perspective d’ailleurs ! On commençait avec quatre heures de théâtre, chaud quand même ! J’adore en plus la façon qu’elle a de nous réveiller cette sonnerie matinale. Franchement, me dis pas que tu n’as pas remarquer le ronchonnement collectif de tout le monde dans cette école. Puis je suis sure et certaine que si on se promène dans le coin des professeurs, tu verras qu’ils ronchonnent autant que nous, pauvres élèves mal aimés du Royal College of Arts ! Ca fait seulement deux mois que je suis ici, je trouve déjà le moyen de me plaindre… J’abuse pas du tout là. Toujours est-il que Rosae-Barbara me quittait en me donnant rendez-vous « plus tard ». Ca ne veut rien dire d’ailleurs, concrètement : « plus tard ». Plus tard, c’est le terme qu’on utilisait quand on était enfants et qu’on rêvait d’être infirmière, avocat, pompier ou je ne sais quoi. « Moi plus tard, je serais danseuse ». Sauf que plus tard c’est idiot parce que nos rêves d’enfants s’envolent alors, pourquoi persister à utiliser ce terme ? Je crois que j’ai un bout de réponse : quand Rosae-Barbara dit « plus tard », cela veut dire « je sais pas quand ». Elle a juste pas trop intérêts à me laisser une fois de plus à la porte sans les clefs ou je crois que le mauvais côté de moi, celui que personne n’a encore jamais rencontré, va ressortir. C’est pénible de n’avoir qu’un seul jeu de clefs quand même. Bref.
Le cours de théâtre.Je vais pas dire que ça me plait pas, c’est mon truc à moi le théâtre, le seul endroit où je me sente pas en danger. En revanche, si j’ai toujours su que les professeurs étaient connus pour être farfelus, je dois quand même bien reconnaître que le notre n’était pas en reste ! Toujours est-il que le temps qu’elle finisse son immense discours auquel j’avais décrocché cinq minutes plus tôt, il y a les photographes qui se sont ramenés. Ma vie est un enfer ! J’ai horreur des photos, vraiment. Alors si ces dames pimbêches courraient en tous sens pour se faire photographier, moi je restais le plus loin possible, assise en bout de scène, un livre à la main, une pomme dans l’autre. Je suis généralement très calme, il ne faudrait en revanche pas qu’on vienne m’embêter ou je pourrais tout à fait me transformer en une effroyable personne. La vérité, c’est que plus personne n’écoutait la prof si ce n’est l’unique et seule personne un peu dérangé de la promotion. C’est d’un pathétique ! On est censé s’exterioriser et montrer ce qu’on a dans le ventre mais, parfois je me demande s’il ne faille pas avoir le statut de « professeur de théâtre » pour avoir cet excellent privilège. Et là, pire que ça je pensais pas que ce serait possible. Mais c’est un gars, enfin je crois, qui en passant devant moi, je crois, m’a sorti de mes pensées me prennant par surprise et c’est donc comme ça que j’ai fini la tête en avant. J’ai connu mieux comme sortie de scène. « Wooow.. »