so baby please don't judge me.

 

«SPRING BREAK FOREVEEEEEEEEEEEEEER, PÉTASSES!» «PUTAIN MAIS FERMEZ-LA!» hurlais-je sur des filles du campus s'y croyant encore une fois un peu trop à mon avis. Certes, c'est vrai que nous étions à un Spring Break, mais n'exagérons pas les choses, nous étions tout de même dans un lieu particulièrement calme de la forêt, tous les bars, l'étang et les fêtards se trouvaient à l'autre bout de celle-ci. Elles roulèrent des yeux avant de me tourner le dos, laissant échapper de leurs lèvres des jolis et surtout très discret «Pff quelle pimbêche c'te blonde là...» ou encore des «Va t'faire voir t'sais, t'es pas notre mère.» Que c'est pathétique, sérieusement. Elles ouvrent leur grande bouche rien que pour dire des trucs stupides ou pour se faire remarquer, mais dès qu'on leur tient tête d'une façon ou d'une autre, elles manquaient cruellement de réparti et ne trouvaient rien d'autre à faire que de faire les petites commères derrière votre dos. Je fis apparaître un léger rictus sur le bout de mes lèvres, les regardant s'en aller d'un air satisfait. Ne m'attardant pas plus sur les adolescentes, je détournais mon regard vers les alentours de la forêt. Mes amis n'étaient pas encore arrivés. Ils m'avaient donné rendez-vous à l'endroit précis où je me trouvais en ce moment même  pour me montrer une surprise, qui d'après eux allait me... surprendre. On voit qu'ils ont bien compris le principe d'une surprise. Je n'aimais pas trop ce genre de choses, cela ne m'apportait que du malheur ou du négatif, et je n'étais pas vraiment impatiente de découvrir ce que me réservait la belle mannequin. Commençant à perdre patience, je croisais les bras en tapant discrètement du pied, poussant de temps à autre un soupir «P'taiiin j'ai pas que ça à faire moi.». Il était quatorze heure trente-cinq, et je n'avais encore aucune nouvelle de mes copiains, quand soudain j’aperçus un homme de dos, ressemblant à une de mes connaissances qui devaient me rejoindre ici. Je m'avançais donc vers lui, me raclant la gorge. J'attrapais son épaule pour le retourner avant de m'exclamer «Vous aviez dit que vous alliez être à l'heure pour une fois?» riais-je en haussant un sourcil. Très vite, je réalisais que ce n'était pas un ami à moi, mais que c'était mon ancien meilleur ami, Noah. Sous le coup de la surprise, je me reculai d'un pas, la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés. «No... Noah...?» balbutiai-je en rougissant légèrement. C'était bien lui, il était toujours aussi... Canon quoi. Il m'a tellement manqué, sérieux. Mais lui... Je suppose que le fait de ne plus me voir durant toutes ses années n'a été que bénéfique pour lui. Ça me rassurait de voir qu'il allait bien, après tout, c'était mon meilleur ami et je tiens toujours à lui. Je baissais mon regard vers le sol, en souriant d'un air coupable. «Hum... Heu... Ça... Fait longtemps qu'on s'est pas vu, tu vas bien?» poursuivais-je, en souriant nerveusement. Dès que j'eus prononcé ces paroles, un sentiment de stress m'envahit. C'était assez bizarre de lui poser cette question, sachant d'avance qu'il me répondrait de la façon la plus froide possible. Croyez moi, avec Noah, il ne faut jamais espérer une réponse chaleureuse dans cette situation là, je peux vous le garantir. J'avais l'impression de tout mal faire, de m'enfoncer à chaque fois que je prononçais un mot. J'étais extrêmement gênée, et les sentiments ambigus que j'éprouve à son égard n'arrangeais pas vraiment les choses. Tout était tellement étrange, la tension était électrique. Je voyais bien qu'il n'avait pas envie de discuter de la pluie et du beau temps, ou de la raison de notre dispute. C'était assez compréhensible, surtout venant de sa part il faut dire.

so baby please don't judge me.

Quand je vous disais que les surprises ne vous apportaient jamais rien de bon, dans ma situation cette hypotèse s'avérait être une réalité des plus évidente. L'ambiance était glaciale, le courant ne passait pas, et la conversion n'avançait pas plus que ça. Enfin si Noah n'avait pas ce tempérament si spécial et distant, je pense que le courant serait mieux passé. Mais là, je ne savais pas quoi faire, il n'a jamais été aussi froid avec moi, et ce n'est pas comme si ça me faisait souffrir au point de pleurer toutes les larmes de mon corps mais... J'avais tout de même un petit pincement au coeur? Comme je me l'attendais, sa réponse ne fut que brève et froide «Ouais, ça va.» En même temps, j'allais pas espérer qu'il me saute dans les bras en criant sur tous les toits que je lui ai manqué. «Et ouais, ça fait longtemps.» Je poussais un petit rire des plus nerveux, en me recoiffant d'un geste rapide. Pendant qu'un silence pénible régnait autour de nous, Noah se recula pour s'assoir sur un banc situé à quelques pas de là, en sortant une cigarette de son paquet de clope. J'avais le choix. Le jeune homme était assis, là, juste en face de moi. Je pouvais soi fuir en courant comme une gamine de cinq ans effrayée par une araignée microscopique, soi lui dire ce que j'avais sur le coeur. La première solution ne me mettant pas vraiment en valeur et ne correspondant pas à ma personnalité, j'expirais bruyemment , en m'accroupissant au sol pour me mettre à la hauteur de Noah. Quitte à finir par me disputer avec lui, au point où on en est, je pouvais pas descendre plus bas de toute manière. «Bon écoute. Je sais très bien que tu m'en veux toujours pour... ce que j'ai fait. Mais j'étais bourrée, j'pouvais pas contrôler tous mes faits et gestes. Tu crois vraiment que si j'avais été totalement consciente à ce moment là je t'aurais fait... ça? A toi surtout?» Je respirais une nouvelle fois, essayant de calmer mon coeur qui battait à une vitesse ahurissante puis, je me relevai difficilement, frottant mon short avec mes mains pour faire partir la terre qui étaient restée dessus. «Et... Tu peux pas savoir à quel point je m'en veux, mais je te demande juste de me pardonner. Même si on ne redevient pas comme avant au final. S'il te plaît.» Ca ne me ressemblait pas du tout de dire "s'il te plaît" à quelqu'un, même pour demander le sel ou autres broutilles inutiles de ce genre. Je suis plutôt une fille capricieuse qui n'en fait qu'à sa tête et qui n'écoute que son instinct. Mais là, la situation ne me laissait pas vraiment l'embarras du choix. Je ne pouvais pas être plus sincère en prononçant ces paroles, la balle était dans le camp de Noah à présent. Je le regardais avec des yeux brillants d'espoir, mais au fond... Je savais bien ce qu'il allait me répondre. Et c'est ça qui me faisait le plus mal en fin de compte. J'imitai mon ancien ami en prenant une cigarette ainsi que mon briquet pour fumer. Je n'avais rien d'autre à faire, à part me faire une bouteille de vodka qui traînait dans mon sac, mais boire à côté de Noah ne ferait que me rappeler tous nos souvenirs communs. Plus précisément la cause de notre dispute.

made by pandora.

so baby please don't judge me.

 Plus le temps passait, plus je me sentais mal. J'étais assez habituée à avoir ce que je voulais, et jamais dans ma vie j'ai dû m'excuser pour une raison valable. Je ne savais pas comment réagir, je me sentais faible, impuissante. Je ne m'attendais pas à ce que Noah réagisse comme un ange, mais je voulais en finir avec tout ça, j'en avais assez, assez d'avoir ce que j'ai fait sur la conscience depuis je ne sais combien d'années. Pour la première fois de ma vie, je voulais pleurer. Ouais, sincèrement. Je sais pas, c'était très étrange, parce que je savais que mes larmes ne seraient pas dûes à la tristesse, ou à la colère, et encore moins à la joie. Je sais pas, je ressentais quelque chose d'inqualifiable. Un sentiment que je ne connaissais pas. J'ôtais la cigarette de ma bouche, essayant de ne pas finir par pleurer. Si je sanglotais comme une petite fille, j'allais encore plus me faire passer pour une actrice, et vu comment Noah me faisait confiance en ce moment même, ce n'était pas vraiment l'effet souhaité. «C'est facile de débarquer comme ça et de demander de te pardonner. Trop facile même et tu me connais, j'suis pas du genre à rendre la vie facile aux gens. Et encore moins à toi.» Je n'étais pas surprise de sa réponse. C'était tellement prévisible, malheureusement pour moi. Je laissais planer un long silence avant de rétorquer, en haussant le ton. «Tu crois vraiment que j'allais rien te dire en te voyant, que j'allais t'ignorer? Que j' ferais comme si de rien n'était? Que j'allais te parler de ma vie, tranquille, en pensant pas une seule seconde à ce qui s'était passé? Bien sûr que non, toi aussi tu me connais. Et je sais très bien que tu vas pas me sauter dans les bras non plus. Mais je te demande juste de me pardonner. J'étais ta meilleure amie putain. Je te répète une seconde fois, est ce que tu crois que si j'avais été consciente à ce moment là, j't'aurais infligé tout ça?» J'étais juste au bout de ma vie. J'avais l'impression de parler à un mur, plus le temps passait, plus je me rendais compte qu'il s'en fichait complètement. J'étais dans une impasse, je ne savais plus quoi faire, je me répétais de plus en plus. «Si tu croyais bien faire en me parlant, j’crois que tu me connais mal. J’ai pas envie de pardonner aux gens qui me font souffrir. Tu vois, en ce moment, j’suis bien placé pour le dire parce que j’en chie. C’est pas en un claquement de doigt que tu auras tout ce que tu veux Faith. Ca marche pas comme ça.» Je jetais ma cigarette par terre, en m'asseyant sur le banc se situant juste en face de Noah. Je posais ma tête sur mes genoux, passant mes main dans mes cheveux. J'avais trop donné, et je n'arrivais plus à retenir cette putain d'envie de pleurer. Je me cachais, pour que personne ne me vois en état de faiblesse. Et encore moins Noah. Je décidais de me relever enfin, après avoir séché le plus discrètement possible ces larmes puis je pris la parole. . «C'est pas une question de bien faire ou mal faire. C'est juste une question de sentiments. Et de principe. Je tiens à toi Noah, t'as été une des meilleures rencontres que j'ai faite en Bulgarie et même dans ma vie, j'sais pas si tu te rends compte. Et malgré notre situation actuelle, je sais que t'as tenu à moi aussi. Peut être plus maintenant, mais avant oui. Souviens toi juste de ces bons moments qu'on a passé ensemble. Et après, dis moi avec toutes tes tripes que tu regrettes pas ces délires qu'on s'est tapés, ces blagues pourries qu'on se faisait tout le temps en éclatant de rire après. Dis moi ça en le pensant réellement, et là je m'en irais. Mais au fond, je sais très bien que tu as encore des pensées positives pour tout ça.» Pour une fois, je ne savais pas le moins du monde ce qu'il allait répondre à ça. Ou s'il allait répondre tout court je dois dire. J'avais la vague impression que notre conversation ne menait à rien. Noah et moi étant de fort caractère d'une ressemblance étonnante, nous soutenions nos idées un point c'est tout. Même si lui me disait qu'il n'avait pas envie de pardonner, moi je continuais à parler, encore et encore. Et vice versa. J'avais beau me dire ça, mon coeur ne voulait pas abandonner cette bataille perdue d'avance. Il me disait "Enfonce-toi encore plus, et tant pis si ça finit mal.», et moi je l'écoutais comme une conne. Mais bon, au point où j'en étais, je ne pouvais pas vraiment m'enfoncer plus que je ne l'étais déjà.  «Tu m’as fait souffrir. Tu crois que c’est pardonnable ça ?» Je plongeais à mon tour son regard dans le sien, soupirant discrètement. «Ce serait égoïste de te dire "Oui bien sûr!". Mais, ça fait depuis tellement longtemps après tout. J'ai eu le temps de réfléchir à tout ça. Et je regrette. Sincèrement, vraiment. Et je comprends que tu souffres encore après ce que qu'il s'est passé. Mais, qu'est ce que tu veux que je fasse? Pour me faire pardonner j'veux dire, pas pour disparaître à tout jamais d'la surface de la terre juste pour te faire plaiz'.» J'avais beau essayer de le faire raisonner, il ne m'écoutait décidément toujours pas. Au point où j'en étais, partir était peut être la meilleure solution. Après tout, la conversation n'avançait pas, et l'ambiance était des plus froides. Je me levais donc, en sortant une nouvelle clope de mon sac. «Essaye juste d'inverser les rôles, pendant une seconde. Si t'avais été à ma place, que t'étais bourré comme un cul, et que je me déclarais, tu crois que tu aurais fait quoi? T'aurais peut être pas fait la même chose, mais tu aurais eu une réaction qui serait peut être dix fois pire.» Je restais debout, comme une conne j'ai envie de dire. Encore une fois, je ne savais pas quoi faire. Je n'ai jamais été aussi incertaine de ma vie, et ça m'agaçait profondément.

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