J’étais enfin en pause. Cela faisait plus de deux heures que j’essayais tant bien que mal de faire que ma vessie n’explose pas. J’avais bien essayé de penser à autre chose, mais les cours ne m’intéressaient visiblement pas assez pour me changer les idées. Gribouiller ma feuille ? Fait. Mettre les mauvais bouchons sur les mauvais stylos ? Fait. Compter les dalles au plafond ? Fait. Il ne me restait plus qu’à prendre mon mal en patience. Heureusement, la sonnerie ne mit pas de temps à retentir. Je fourrai donc mes affaires dans mon sac précipitamment et me hâtai hors de la salle de cours. D’un pas pressé, je descendais les escaliers et traversa le long couloir pour enfin atteindre les toilettes. Un petit groupe de filles venait d’en sortir, et l’une d’entre elle ne semblait pas dans son assiette. J’en déduisis qu’elle devait plutôt être en colère, à en juger par la couleur rouge écarlate de ses joues et son regard de furie. Machinalement, j’arquai les sourcils et les regardai passer avant de rentrer dans les toilettes. « Désolé pour toi, mais t'es trop moche pour lui ! », voilà la phrase par laquelle je fus accueillie. Le regard interrogateur, je portai mon attention sur la jeune femme blonde qui s’affairait devant la glace. Toutefois, je n’eus pas de mal à reconnaître la silhouette familière de Daelysia. Je fis quelques pas pour m’approcher d’elle, sourire en coin. Et bah j’te remercie, moi qui croyais que j’avais toutes mes chances, la taquinai-je bien que je ne saches ni de qui, ni de quoi elle parlait. Qu’est-ce qui ne lui plaît pas chez moi ? Il préfère les blondes, c’est ça ? Je savais que j’aurais dû me teindre en blonde, poursuivis-je en prenant un air déçu. Lorsque mon amie se retourna vers moi, je ne pus m’empêcher de lâcher un léger rire. De suite, elle s’excusa, m’expliquant qu’elle ignorait que c’était moi. T’inquiètes pas, je m’en remettrai. Quelques séances chez le psy et ce sera comme s’il ne s’était rien passé, plaisantai-je pour toute réponse. Par la suite, je lui fis un bisou sur la joue en guise de bonjour. Alors, qui est trop moche pour qui ? la questionnai-je, curieuse.

Moi, tout ce que je voulais, c’était faire un tour rapide aux toilettes et reprendre le cours de ma journée. Rien de bien exceptionnel en somme. Toutefois, mon séjour aux toilettes se fit plus mouvementé que prévu. En effet, sans que je ne m’y attende le moins du monde, je fus accueillie par des insultes qui sortaient de je ne sais où. Enfin, si. En réalité, elles venaient tout droit de la bouche de l’une de mes meilleures amies, Daelysia. Inutile de préciser que je fus surprise de cette entrée en matière radicale mais plutôt originale. Si j’en croyais ses propos -auxquels, soit dit en passant je n’avais pas compris un traitre mot-, je n’étais pas assez bien pour Eyden, son blondinet de frère. Bon, d’un autre côté, je n’avais jamais rien tenté avec lui. Mais visiblement, miss Strauss ne voulait pas de moi en tant que belle-sœur. Prise de cours, je restai plantée à l’entrée de la porte tandis qu’une fausse déception pouvait se lire sur mon visage. Je pris ensuite soin de me plaindre à mon amie, lui avouant que je pensais avoir toutes mes chances jusqu’à ce qu’elle ne brise tous mes espoirs. Franchement, je pensais que t’étais du genre à me soutenir plutôt qu’à m’enfoncer, surenchérissait-je en me forçant de ne pas rire. Lorsqu’elle me reconnut enfin, Dae s’empressa de s’excuser, gênée comme pas deux. Je lâchai un léger rire face à sa réaction. Bon ok, j’avoue, c’est la honte, admis-je en hochant la tête. Mais bon, faut relativiser : j’ai déjà vécu pire avec toi, la taquinai-je en simulant un sourire de star de cinéma, histoire de faire passer crème ma remarque. Ne sait-on jamais (a). De toute façon, je lui laissai à peine le temps de répondre puisque j’enchainai en lui demandant des explications quant à cette histoire de « Machin est trop moche pour truc ». Maintenant qu’elle m’avait envoyé sur les roses, autant que ce soit pour une bonne raison (a). J'étais bien décidée à connaître l'histoire de A jusqu'à Z. Après lui avoir déposé un bisou sur la joue, je m’adossai donc aux lavabos afin d’écouter attentivement son histoire de fou. Ouh, alors comme ça ton frère fais des ravages ? la questionnai-je ensuite pour avoir de plus amples détails sur le sujet. J'espère au moins que tu lui a réglé son compte, plaisantai-je. Tu sais, s'il faut, tu peux compter sur moi pour lui arracher les cheveux. Passer de Barbie girl à Mr. Propre, ça fait toujours son effet. Radical mais efficace, lui assurai-je par la suite en riant.

Si j’avais su de quelle manière j’allais être accueillie en penetrant dans les toilettes, je crois que j’aurais rapidement rebroussé chemin. Or, Dae’ ne m’avais pas envoyé de téégramme pour m’annoncer son humeur massacrante. Ainsi, je ne fus pas hors d’atteinte des attaques de la jolie blonde. Une fois ma matinée de cours terminés, je m’étais innocemment dirigée vers les toilettes féminines où j’avais l’intention de faire ce que j’avais à faire, à savoir, vider cette vessie qui n’allait pas tarder à exploser si je perdais encore du temps. Bref, passons. J’avais l’esprit tellement occupé que je fis à peine attention à ce petit groupe de filles qui venait de sortir de la petite pièce. L’une d’entre elle, à en juger par sa couleur rouge écarlate, ne semblait pas être dans ses meilleurs jours. Sans même y prêter attention, je me contentai de pénétrer à l‘intérieur – du moins, j’étais sur le point de le faire jusqu’à ce que je reçoive une remarque peu agréable, sortant tout droit de la bouche de l’une de mes meilleures amies, j’ai nommé Daelysia. Allez savoir pourquoi, mais j’étais apparemment trop moche pour quelqu’un. A ce moment précis, je n’avais pas encore décidé ou pas si j’allais m’en remettre, mais quoi qu’il en soit, ce dont j’étais persuadée, c’était que j’avais vécu pire. Face aux innombrables excuses de Dae’, je ris légèrement avant de lui faire part de mes pensées. Pour être honnête, avec cette blondinette, je m’attendais désormais à tout. Plus rien ne me faisais peur. Cependant, mon amie ne semblait pas s’attendre à cette remarque. Ouais ouais, ne joue pas la surprise avec moi, miss catastrophe ! rétorquai-je aussitôt en riant de nouveau. J’en avais vu des vertes et des pas mûres tout au long de ma vie, et à dire vrai, c’était en grande partie grâce à Daelysia. Mais bon, l’essentiel c’était qu’on le vivait bien. Ceci dit, l’heure n’était pas à polémiquer sur nos conneries quotidiennes. J’avais été interpellée par la réaction qu’avait eue mon amie à mon arrivée. Ma curiosité maladive avait alors pris le dessus, et je ne pus m’empêcher de lui demander de plus amples détails quand à cette histoire. Apparemment, Eyden faisait des ravages du côté des petites minettes de la fac. Attention, ça rigole plus ! Et évidemment, la blonde qui me servait d’amie avait sauté sur l’occasion pour vanter ses mérites, comme à son habitude. Sa réflexion me fis rire à nouveau. Alors là tu m’ôtes les mots de la bouche ! m’exclamai-je dans un premier temps. D’ailleurs, ça tombe bien que tu en parles puisque je comptais justement vous proposer de créer votre propre agence de mannequins. « Strauss & cie », ça déboite, nan ? m moquai-je gentiment en lui adressant un large sourire satisfait. Oui, Daelysia et moi avions la fâcheuse manie d’être fières de nos conneries. C’était probablement pour ça que nous nous entendions si bien. Mais cette agence de mannequins fictive n’était pas la seule proposition que j’avais à lui faire. En effet, suite à l’histoire qu’elle venait de me raconter, je lui suggérai quelques idées afin de se venger comme il se devait de cette petite peste qui voulait lui piquer son frère. Je lui proposai même de l’aider. Toutefois, Dae’ avait visiblement une meilleure idée, d’autant plus efficace et cruelle : le poison. J’ai toujours su au fond de moi que tu étais une cruelle psychopathe, affirmai-je, faisant mine d’être surprise par cette surprenante révélation. Quoi qu’il en soit, c’était une gentille psychopathe en réalité, puisqu’elle pris toute de même de mes nouvelles. ça va plutôt bien. Et toi, hormis cet épisode désastreux, comment ça va ? la questionnai-je à mon tour en m’asseyant sur le rebord des lavabos.