Ton regard était lointain. Vitreux. Tu fixais ta petite soeur depuis de nombreuses minutes, ta cuillère à la main juste au-dessus de ton bol de céréale. « Sis' ça devient gênant là. Tu secouas la tête - Excuse-moi j'étais juste... - Pensive. Finit-elle. Je sais. Tu détournas le regard et te levas précipitamment. Tu les termines pas ? - Nan, je vais être en retard. Mangent les si tu veux. Arrivée à la porte d'entrée, tu revins sur tes pas déposant un baisé sur son front - Je t'aime. Tu la fixas un instant puis tu sorties. Froid vint fouette ton visage. Tu te blottis dans ton écharpe. Tu lanças un dernier regard en direction de la maison et tu commenças ta route. Tu n'allais qu'au travail, rien de bien exceptionnel, mais depuis tu avais peur.


« Mademoiselle Rosebury. Tu fermas les yeux et pris une grande inspiration. -Merde. Tu détestais ça. Tu traversais la salle de cours sentant dans mon dos les regards moqueurs d'Ana et Stass. Tu résistais pour ne pas te retourner et les lyncher sur place. Le prof te regardait avec une certaine insistance, tu baissas les yeux vers la feuille, il n'y avait que quelques gribouillis dessus. Forcement tu n'avais pas préparé le travail qu'il vous avait demandé et il avait fallu que sa tombe sur toi. Tu laissas tomber tes bras te tournant vers lui, le fixant droit dans les yeux avec cette intensité qui t'était si caractéristique, un petit sourire au coin de la bouche - En voilà, en gros, c'est l'histoire de Kristy la petite fraise des bois couverte d'acné qui se réveille un matin avec une forte envie de cornichon... Un long spasme sonore se fit entendre. Stacy était étalée sur sa table secouée par un fou rire. Tu la regardais en souriant, puis tu te tournas à nouveau vers le prof. Tu pouvais très clairement voir ses narines se gonfler et son visage virait progressivement au rouge. Ton haussement d'épaule plein d'indifférence le fit sortir de ses gonds. Vous aviez écopé d'une semaine de colle toutes les trois, malgré les protestations d'Ana qui criée à l'injuste et au complot organisé. Le prof avait simplement déclaré que de toute façon elle aurait forcement fini par faire quelque chose qui lui aurait valu cette semaine de colle et, donc, de surcroit il lui rendait service en l'évitant de chercher une connerie totalement bidon. On retint un nouveau fou rire, pas peu fière de nous.
Plus tard, tu rentrais à la maison. Ta mère t'attendais les bras croisés adossée contre le plan de travail de la cuisine. Lexie était assise à la table la tête plongée dans son cahier. Elle releva doucement les yeux vers toi avec un petit sourire au coin de la bouche. « L'histoire de la fraise des bois couverte d'acnés, hein ? Tu te pinças la lèvre inférieure pour ne pas rire et évitas soigneusement de croiser le regard de ta petite sœur. - Oui et ? Il nous a demandé une histoire c'est ce que j'ai commencé à faire. Ta mère leva les yeux au ciel et continua ce qu'elle était en train de faire. Tu balanças ton sac t'installas à la table, Lexie te fit glisser le paquet de céréale dans lequel tu plongeas ta main pour en sortir une grosse poignet.

Un petit sourire se dessina sur tes lèvres. Tu frottas tes mains pour te réchauffer. Tu "tais d'un naturel plutôt frileux, mais pourtant tu ne t'habillais jamais assez chaudement. Un simple écharpe et un sweat c'était loi d'être suffisant. Tu passas devant le parc. Tu n'y avais plus mis les pieds depuis. Tu fus parcours de frissons, ton coeur se serra. Tu tournas la tête, cherchant une distraction quelle qu'elle soit. Parce que, tu savais que si tu commençais, tu ne t'arrêterais pas. Tu pris une grande inspiration.

« Elle est où Ana déjà ? - Elle avait un truc à faire.. Tu étais allongée dans l'herbe, elle était assise à côté de toi à hauteur de tes genoux et te faisait face. Vous vous observiez pendant un temps, en silence. Ce n'était pas un silence gêné, non, ce genre de silence arrivait très souvent entre vous. C'était naturel. Tu te souviens de notre rencontre ? Tu plissas les yeux. - Binh ouaip. - Mais tu te souviens de comment c'était naturel ? Comment une évidence. Comme si on se connaissait depuis toujours. On s'est avancé les unes vers les autres et on a commencé à parler. Ça fait fait tellement naturellement que tout le monde pensait qu'on se connaissait déjà. Tu continuais de la regarder en silence. A la seconde où je vous ai vus je savais a quel point se serait fort. Je savais que vous seriez celles à qui je me confierais et vise versa. Celles avec qui je passerais mes journées. Un peu comme mes âmes sœurs. Tu te redressas légèrement te soutenant à l'aide de tes coudes. - Stacy. Ta voix flancha légèrement. Tu la regardais interloquée et quelque peu inquiète. Tu n'avais pas l'habitude de parler comme ça. Elle te sourit - T'inquiètes, je pensais juste à ça. T'en veux ? Elle te tendis un joint. Tu te redressas d'un coup, les yeux tout ronds. - Putain Stass ça va pas ! Si tu t'fais prendre ! Si ON se fait prendre. Elle éclata de rire. - Gentille Sica ! Desserre ça risque rien. Tu lui souris gentiment - En plus c'est naze pour ta santé. Sérieux, tu vas te chopper un cancer et tu vas crever à vingt piges   - De toute façon on va tous crever non ? Elle te sourit et l'alluma.

Tu allumas ta roulée. Tu souris. Quelle ironie du sort. Il y a quelques temps encore tu détestais cela. En fait... Tu détestais encore cela. C'était sans doute pour ça que tu avais commencé. Tu ne comprenais pas pourquoi elle aimait autant ça. Peut-être pour les mêmes raisons que toi. Sauf qu'elle elle n'avait pas le droit ! Pas plus de raisons que toi, mais elle vous avez Vous elle aurait pu vous parler... Tu reniflas. « Putain, fais chier.»

Ana avait débarqué chez toi en plein milieu de la nuit. En bas de ta fenêtre, elle fit sonner ton téléphone. Tu te réveillas en sursaut, tu pensais qu'il s'agissait de ton réveil. Surprise, tu le fixas quelques secondes. « Allô. ta voix était brumeuse, endormie. Pas étonnant. « Descend. - Quoi ? Ana il 2h qu'est ce tu foues !? - Descend jte dis. Tu t'extirpes difficilement de ton lit. et descend à pas feutrés les escaliers. Tu enfilas un gilet qui traînait sur le canapé et sorties. - Bon qu'est ce qui se passe ? - Je sais pas. Tu la regardas ahurie - Putain Ana ! Tu peux pas me réveiller à... Elle te coupe - Tu sais j'ai parlé avec Stacy la dernière fois. - Et ? Elle baissa les yeux - Peut-être que je m'inquiète pour rien ? Tu haussas les épaules. Tu voyais où elle voulait en venir. Stacy était bizarre ses derniers temps. - Bon j'te laisse avant qu'on se rende compte que j'me suis barrée. Tu hochas la tête et tournas les talons. Cette nuit là tu n'arrivas pas à fermer l’œil.


Tu étais dans le canapé. Prostrée. Depuis plusieurs heures. Tu ne bougeais plus. Les larmes coulaient, parfois ça s'arrêtait. Tu ne contrôlais plus rien. Lexie s'assit à côté de toi. « Siska ? »Tu l'entendais, mais tu ne réagissais pas. Les choses s'étaient enchaînées, sans que tu ne comprennes vraiment. Quatre jours s'étaient écoulés depuis la nuit où Ana avait débarqué. Tu n'arrêtais pas d'y penser encore et encore. Tu te disais que si tu avais poussé un peu plus la conversation, peut-être que les choses se seraient passées autrement. Si tu avais osé parler. Tu hoquetas. Le matin même de cette nuit la en allant en cours on vous attendait à l'entrée de l'établissement, le proviseur et votre prof principal. Ana était déjà là. On vous emmena dans le bureau du principal on vous fit asseoir et, après avoir longtemps tourné autour du pot on vous annonça la nouvelle. Tu n'y croyais, encore maintenant c'était au dessus de tes forces. Avec Ana, vous vous êtes évités. Jusqu'à aujourd'hui. Tu t'étais dirigée vers le parc. L'endroit où vous vous rejoignez tout le temps. Ana était là. Tu hésitais et tu t'approchas. Et ça explosa. Tu ne savais même pas comment ça avait commencé : les remarques mesquines s'étaient enchaînées. Puis tu la bousculas, alors elle rétorqua et la claque partie « Putain t'es vraiment qu'une connasse ! Tu le savais ! Que ça n'allait ! Et t'as rien dit ! C'est de ta faute ! Elle te regarda avec dégoût - va te faire foutre. » Puis elle tourna les talons.  Tu restas debout pendant plusieurs minutes, les larmes coulaient, tu regrettais déjà. Tu avais été odieuse. Finalement tu tournas les talons et tu rentras à la maison.

Tu jetas le mégot à tes pieds et tu entras dans la supérette. Ça te faisait rire. Ce que tu te faisais subir. Ana ? Tu ne l'avais plus revu depuis. Enfin si, vous vous étiez croisées. Fixées. Puis ignoré. Et ça faisait mal. Tellement mal. Il fallait assumer. Mais tu n'y arrivais pas parce que tu étais faible. A la place, tu préférais te faire du mal, boire fumer, oublier, ne pas penser. C'était tout ce qui comptait.